SOS Racisme Partenaire de Quat'rues

mardi 29 juin 2010

Monts du Lyonnais : des groupes fascisants gangrènent les bals

Racisme ordinaire et dérives inquiétantes polluent les bals de jeunes dans les Monts du Lyonnais / Photo Archives Le Progrès

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Bagarres « discriminatoires » répétées et violentes, signes extrémistes, les bals et fêtes de villages sont régulièrement perturbés, comme à la mi-mai à Saint-Martin-en-Haut. Des dérives qui provoquent la crainte des habitants


Le constat est là : les bagarres rangées sont de plus en plus fréquentes à la sortie des bals de jeunes. L'approche des fêtes estivales n'est pas faite pour rassurer organisateurs de manifestations, élus, forces de l'ordre et population. Régulièrement, on apprend que la fête a mal fini.

Et le phénomène n'a rien de nouveau dans les Monts du Lyonnais. Et quasi aucune commune n'y échappe : Vaugneray, Messimy, Brindas, Thurins, Haute-Rivoire, Saint-Laurent-de-Chamousset, Duerne, Larajasse, Coise, Saint-Symphorien, Aveize, Saint-Martin-en-Haut...

Plus grave qu'un simple problème de rixe de fin de soirée, comme il en a toujours existé, on assisterait à tout autre chose depuis une dizaine d'années. Selon divers témoins, de petits groupes très organisés infiltrent les fêtes de village des hauteurs du Lyonnais. Là, ils s'emparent des sonos pour passer leurs propres musiques. Des chants, à la gloire du nazisme, auraient déjà été entonnés et accompagnés du salut fasciste. Ailleurs, c'est une Marseillaise entonnée le bras levé qui aurait accueilli l'arrivée de trois jeunes noirs. Le fascisme serait-il en train de gangrener les Monts du Lyonnais ?

Difficile à dire mais une chose est sûre, le phénomène inquiète car il mettrait en cause de tous jeunes protagonistes. Des jeunes influençables, qui adhéreraient à ces doctrines sans en mesurer les conséquences. La situation est aussi beaucoup plus complexe qu'elle n'y parait. Selon les gendarmes du secteur concerné, les bagarres n'ont pas spécialement lieu entre jeunes d'origine étrangère. Ne pas s'habiller selon les standards du cru suffirait parfois seulement à déclencher les hostilités entre ruraux de souche et rurbains.

Aussi que faire ? Les élus sont attentifs au problème et actifs (voir réactions). Certains jeunes se posent la question : « Ne serait-il pas mieux de supprimer carrément les bals ? » C'est du moins ce qu'ils suggèrent sur une page internet récemment ouverte sur Facebook, où, dans un chat, chacun se renvoie allégrement la responsabilité de la dernière baston. C'est ce qui a été décidé dans plusieurs communes déjà.

Côté associatif, des manifestations ont été organisées pour dénoncer cette dérive. À l'image du pique-nique citoyen qui a eu lieu le 14 juin 2008 à Saint Symphorien-en-Coise. « On a affaire à quelque chose de très rampant », explique Jean-Claude Chambe, membre du collectif « Pour une politique citoyenne dans les Monts du Lyonnais ».

« Homophobie, racisme. Ce n'est pas violent mais dans le langage de tous les jours. C'est dit en famille, c'est perpétué. À Larajasse, des jeunes footballeurs de neuf ans ont été accueillis avec des insultes racistes », explique t-il encore.

Une situation à prendre très au sérieux, d'autant que certains jeunes déclarent clairement « ne plus faire confiance aux institutions ».

Dominique Décot avec Émilie Chaumet

Les habitants du quartier du Plon à Saint-Martin-en-Haut « ont peur »

Le soir, près de la salle des fêtes, des jeunes investissent le petit kiosque et font la fête tard. Un lieu d'où partiraient régulièrement les bagarres entre jeunes nouveaux et ruraux ultras. Stationnement saturé, musique à fond, alcool, drogue et incivilités inquiètent les riverains. « Tout autour, ce ne sont que des retraités, explique l'un d'eux, qui poursuit : « On n'ose rien dire ». Pourtant, tout le quartier du Plon a bien rencontré le maire, qui aurait conseillé de prévenir les gendarmes en cas de problème. Seulement, à partir d'une certaine heure, les appels sont transférés bien loin des habitants et de leurs attentes. « Les jeunes viennent carrément à l'intérieur de ma propriété. Je ne me lève pas la nuit, j'ai peur », confie cette habitante, qui s'exaspère : « Ça commence le jeudi et ça se poursuit tout le week-end jusqu'à trois heures du matin ».

Repères

Les fauteurs de trouble ont des signes de reconnaissance. Cela passe par exemple parla tenue vestimentaire et des griffes anglo-saxonnes comme Lonsdale. Les lettres NSDA apparaissant dans l’entrebâillement des blousons feraient référence au National Sozialistische Deutsche Arbeiterpartei, parti politique créé par Hitler.
Ou bien des écussons affichant un énigmatique 88 La huitième lettre de l’alphabet signifiant dans un sens HH (Heil Hitler) ou SS dans l’autre.


Une montée de violence qui inquiète

En plus des navrantes dérives fascisantes qui accompagnent certains bals de village, c'est aussi plus généralement la violence qui en découle qui inquiète dans les monts du Lyonnais. Et même si le bal a toujours eu son petit côté sulfureux, il semblerait qu'on s'éloigne du traditionnel coup-de-poing de fin de soirée entre copains éméchés. « Les violences sont devenues répétitives. Elles sont organisées. Il s'agit d'un véritable affrontement entre des groupes qui se retrouvent dans ces manifestations avec pour seul but d'en découdre. Nous avons souvent affaire à de très jeunes gens, des adolescents de 14-15 ans qui se laissent influencer par des adultes et deviennent des fauteurs de trouble », témoigne le major Aunave, commandant de la brigade de gendarmerie de Saint-Symphorien-sur-Coise.
Si jusqu'alors aucun fait grave n'est à recenser, il y a tout de même déjà eu plusieurs fois des blessés assez sérieux.
« On est ici dans un milieu très rural. Il y a d'un côté les jeunes issus des familles d'agriculteurs installées depuis toujours dans le coin et de l'autre, des jeunes rurbains, originaires de la ville, qui se font leur place ». Un problème « identitaire » entre ruraux et « extérieurs » qui suffit à mettre le feu aux poudres le samedi soir.
Solidaires, les maires du secteur prennent leurs responsabilités, s'échangent des informations et s'organisent. Certains ont pris la décision d'interdire purement et simplement les bals de jeunes, des classes. « Pour éviter que le pire arrive », reconnaît l'un d'entre eux.
Du côté des autorités, on surveille donc les Monts du Lyonnais de près. La préfecture du Rhône reconnaît que « ces mouvements sont connus. Ils font l'objet d'un suivi particulier dans le cadre des missions dévolues aux différents services de police et de gendarmerie ».
Emilie Chaumet

> Sollicité, le préfet délégué à la Sécurité n'a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet

Une page Facebook pour exprimer « un ras-le-bol »

Peu de temps après le bal de Saint-Martin-en-Haut qui avait mal tourné, le 15 mai dernier, Kevin a créé une page Facebook « Si t'es aussi des Monts du Lyonnais et tu détestes les fachos ».
« Il y avait, ce soir-là, vingt ou vingt-cinq personnes qui cherchaient la baston. Des bouteilles ont été jetées sur des gens pour les effrayer. Et certains se sont faits frapper violemment. Les gendarmes ont réussi à les calmer », raconte cet habitant de Duerne.
Pour exprimer son « mécontentement », et affirmer un « ras-le-bol d'entendre des propos racistes », il a créé cette page Facebook qui fédère actuellement près de 400 amis.
« On ne peut pas aller où l'on veut car nos potes maghrébins se font taper dessus », poursuit cet étudiant en BTS alternance Assistant de gestion. Et de donner comme exemple, un bal à Saint-Laurent-de-Chamousset, il y a un an et demi, où un « copain s'est fait frapper à l'extérieur ».
« Il faut que ça bouge. Que les mentalités changent », explique-t-il parce qu'il ne comprend pas comment « on peut arriver à se mettre torse nu en montrant une croix gammée tatouée ».
« Pour moi, c'est impossible que l'on puisse idéaliser un type comme Hitler. Ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils disent ». « On veut aussi montrer qu'ils ne nous font pas peur », ajoute-t-il.
F. C.

« Raciste mais pas nazi »

Dix-huit ans, cheveux blonds coupés court, tee-shirt de marque Lonsdale, chevalière gravée d'une croix de fer allemande, ce jeune Saint-Martinois explique : « Les bals, c'est la tradition. Ce sont les rares moments où les jeunes peuvent sortir pour s'amuser. À l'époque de nos pères, il y avait aussi de la bagarre mais personne ne disait rien. Si on nous supprime les bals, on aura l'impression de se faire supprimer nos libertés ». Et de poursuivre : « La baston, ça n'est jamais prévu à l'avance. Je le sais bien, je fais tous les bals du coin. Dire qu'à chaque fois ça se bagarre, c'est faux. Au dernier bal des Balais, j'ai vu des jeunes se faire amocher salement. C'est la seule grosse bagarre que j'ai jamais vue à Saint-Martin. J'en ai pleuré lorsque le maire a annoncé qu'il pourrait supprimer les bals sur la commune ». Quant à une éventuelle adhésion aux thèses fascistes, le jeune homme se défend : « On est raciste, d'accord, mais ce serait horrible de dire qu'on est des nazis. On connaît l'histoire de France et ce qu'ont vécu nos parents ».

Réactions

Martine Surrel, maire de Saint-Maurice-sur-Dargoire :
« Nous avons eu des soucis de violences par le passé.
Un jeune s’est fait littéralement tabasser une fois.Aussi depuis deux ans, le conseil municipal interdit tous les bals dans la commune. C’est lourd de conséquences pour les associations qui les organisaient.Mais c’était nécessaire. J’ai aussi interdit la consommation d’alcool et les rassemblements sur la voie publique. C’est sévère. Cela ne fait pas plaisir d’en arriver là, mais il faut prendre le taureau par les cornes et ne rien laisser passer de ces actes inciviques. Depuis les choses vont mieux.Les jeunes ont grandi mais on reste vigilant car on sait par les maires des communes environnantes que le problème est toujours là ».
Roger Viver, maire de Thurins :
« Dernièrement, nous n’avons pas eu à vivre d’évènements pénibles mais nous sommes confrontés à ce type de dérapages car je sais les problèmes que rencontrent mes voisins maires. Et ce qui me dérange, c’est que des jeunes de ma commune pourraient faire partiedes fauteurs de trouble.Il y a sept ou huit ans, nous avons eu ici des problèmes de bagarres à caractère discriminatoire.Des slogans racistes étaient lancés par des jeunes, qui à mon sens, étaient plus perdus, influençables, que méchants. Si ces malheureux épisodes sont derrière nous, on sait néanmoins qu’ils existent. Nous avons bien conscience qu’un petit noyau de jeunes a des positions extrémistes.Ils viennent de nos villages, se déplacent. C’est un très triste volet de l’intercommunalité. C’est plus que de l’incivisme qui dérapeet il ne faut pas laisser passer ».
Bernard Chaverot, conseiller général du canton de Saint Laurent-de-Chamousset :
« Certains maires ont carrément suppriméles bals sur leurs communes, comme à Haute-Rivoire. Avant, les bals servaient à financer les associations mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. Et s’il y a eu naguère des bagarres, ceux qui se battaient laissaient tranquille ceux qui voulaient juste s’amuser ».
Jean-Louis Gauthier, enseignant et membre du collectif «Pour une politique citoyenne dans les Monts du Lyonnais» :
« On a commencé à s’intéresser à ces problèmes en 2002. À l’époque, des gens rentraient en bande dans les bals, avec insignes, musiques et saluts nazis. À Saint-Martin-en-Haut, une trentaine de jeunes, la plupart du temps accompagnés d’adultes de 45/50 ans, venaient provoquer le videur, parce qu’il était noir. À Bellevue, un transformateur est encore aujourd’hui régulièrement tagué de propos racistes. Nous avons fait une manifestation pour repeindre symboliquement le petit bâtiment. Au même moment, des jeunes ont organisé une contre-manifestation qui revendiquait «Non à la discrimination des blancs».
Propos recueillis par E.C. et D.D.

http://www.leprogres.fr/fr/article/3386951/Monts-du-Lyonnais-des-groupes-fascisants-gangrenent-les-bals.html?xtor=EPR-2-[Le+Progr%C3%A8s+-+L%27actualit%C3%A9+du+Rh%C3%B4ne]-20100626-[Monts+du+Lyonnais+%3A+des+groupes+fascisants+gangr%C3%A8nent+les+bals]-172455-20100626060144

1 commentaire:

  1. Ça fait 6 mois que j'ai emménagé dans la région je comprends mieux pourquoi il n'y a jamais rien à faire dans le coin ! Vous avez peur de vos voisins !

    Pour gangrener le fascisme rural, vous mettez en place un état policier, comme Pétin ?

    À MÉDITER

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