SOS Racisme Partenaire de Quat'rues

mardi 29 juin 2010

Tribune de Dominique SOPO

Une équipe dans l’air du temps

La grève de l’entraînement de l’équipe de France de football restera comme l’un des évènements les plus pathétiques de l’histoire de notre sélection nationale. Symbole d’une équipe qui n’a manifestement aucun plaisir à jouer, elle fait éclater au grand jour la réalité d’enfants gâtés gorgés d’orgueil et pensant manifestement n’avoir aucun responsabilité envers un pays dont ils portent le maillot.

Certes, cette situation procède d’un conflit avec la Fédération Française de Football dont l’infantilisation des joueurs renvoie à un paternalisme hors d’époque et à un travers gestionnaire qui demandaient certainement pour le futur un réagencement du rôle des uns et des autres dans le monde du football hexagonal.

Mais, voilà : ça n’est pas en pleine coupe du Monde que cette problématique devait être abordée. Le fait qu’elle le soit dans le contexte particulier de cette édition de la coupe du Monde est à ce point affligeant que l’incrédulité continue à dominer. Et pour cause : l’Afrique du Sud, symbole d’une nation « arc-en-ciel » et de la construction douloureuse mais à ce stade réussie d’une société débarrassée des miasmes de l’Apartheid créait une obligation particulière aux joueurs de l’Equipe de France.

Sans même parler des origines africaines de nombre de joueurs de cette équipe qui, en jouant sur cette terre où l’infériorisation des Noirs trouva une issue humaniste, auraient pu y trouver matière à se comporter autrement qu’en se vautrant dans une stupéfiante bouffonnerie, une conscience citoyenne des plus sommaires aurait du les conduire à représenter dignement l’image d’une France dont le message entrait en résonnance avec le symbole du pays de Mandela.

Mais finalement, et plutôt que d’y voir une occasion de fracasser la France métissée comme maints commentaires à la limite du racisme tendent à l’insinuer ou à l’affirmer, cet affaissement d’une conscience citoyenne n’est-elle pas le reflet d’une société française qui se débat dans maints tourments ? Car, là où l’équipe « black-blanc-beur » de 1998 faisait écho à une société marquée par le frémissement d’une décrispation sur la question raciale, qu’est l’Equipe de France d’aujourd’hui sinon, à l’image de notre société, une équipe de clans opposés où le cynisme des uns côtoie l’incrédulité paralysante des autres ? Avec ceci de particulier au monde du foot que ce dernier a été pris, dans une dérive financière propice à l’évacuation de toute morale. Il faut dire que la Fédération Française de Football, qui ressemble plus à une coterie d’affairistes qu’à l’émanation des millions de licenciés que compte notre pays, aura concentré toute son attention et une part substantielle des ressources sur ceux qui sont déjà les plus favorisés, amplifiant jusqu’à la nausée ce que la société vit mal à juste titre : une structure inégalitaire dont le sommet ne se sent plus lié par une base qu’il écrase.

Pour revenir à la logique du tous contre tous que nous évoquions plus haut, le capitaine de l’Equipe, Patrice Evra, comme dans une mauvaise série Z, donna une tonalité particulière en lançant, pour toute réponse aux « fuites » qui révélèrent à la presse les insultes que Nicolas Anelka lança à Raymond Domenech, une chasse à un « traître » qu’il fallait éliminer (le « traître » aurait-il été condamné à s’entraîner ?). Le problème n’est donc plus l’insulte envers Raymond Domenech mais la divulgation de cette insulte ! Débarrassés de toute éthique, les cercles politiques dirigeants n’ont-ils d’ailleurs pas tendance à ne pas répondre aux critiques, questions, interrogations lourdes que la société pourrait leur poser, préférant, dans une logique de pouvoir insensée, traquer leurs oppositions potentielles ?

Logique de clans et cynisme, certes. Mais également, chez ces joueurs, un mépris des jeunes générations là aussi fort symptomatique de notre société. Les jeunes Français qu’ils auraient du faire rêver plutôt que de leur faire honte, certes. Mais également les plus jeunes de l’équipe de France qui, manifestement mis au pied du mur à l’instar de Yoann Gourcuff, Abou Diaby ou de Mathieu Valbuena, n’avaient pas perdu le goût de jouer et s’apprêtaient à vivre peut-être – sans doute – un de leurs plus beaux rêves. Dans une société saine, les rêves des plus jeunes sont soutenus, critiqués ou combattus car tenus pour pure folie. Mais ils ne sont pas ignorés ou tenus pour quantité négligeable ou comme un détail insignifiant dans le tableau que dessine cette société. Mais dans une société malade, ces rêves ne pèsent pas lourds face à un hédonisme sans valeur et passablement aigri.

Ainsi donc, le symbole positif qu’était censée représenter la sélection nationale se vautre dans le ridicule en étant incapable de se hisser au niveau d’une fraternité qui n’a guère plus de sens pour les apprentis-grévistes, mais sans doute guère plus pour les dirigeants du football français. Mais cette situation n’est pas la seule dérive de cette sélection et des instances mais sans doute un des symptômes d’une société menée à un état morbide par des dirigeants insensés.


Tribune de Dominique SOPO - SOS-Racisme - Touche pas à mon pote !

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