Violences / En avril 2011, les Identitaires lyonnais, groupe actif d’extrême-droite, officialisaient leur local dans le Vieux Lyon (5e). Depuis cette date, les commerçants et les habitants de ce quartier dénoncent la multiplication d’agressions et de dégradations. Pour ces riverains, il y a un lien de cause à effet.
©Maxppp / 14 mai 2011, « Rassemblement pour la liberté » de l’extrême-droite à l’initiative des Identitaires, place Saint-Jean, à la suite de l’annulation par le préfet de la Marche des cochons.
Le Vieux Lyon, ses immeubles florentins, ses rues pavées, ses bouchons. C’est un quartier musée, fréquenté par les touristes et les Lyonnais en goguette. Les puissantes associations d’habitants et de commerçants se mobilisent habituellement pour la préservation de ce patrimoine et de son cadre de vie. Mais depuis septembre, elles n’ont de cesse d’alerter sur la présence de la Traboule, un local ouvert par les Jeunes Identitaires qui seraient, selon eux, cause de nombreux incidents portant la marque de l’extrême-droite.
En première ligne, Strada Nova, une association d’habitants et de commerçants de la rue Juiverie, située à vingt mètres du local des Identitaires, s’insurge. Ce sont les premiers à avoir dressé une liste des événements liés à l’extrême-droite, ici détaillée :
En première ligne, Strada Nova, une association d’habitants et de commerçants de la rue Juiverie, située à vingt mètres du local des Identitaires, s’insurge. Ce sont les premiers à avoir dressé une liste des événements liés à l’extrême-droite, ici détaillée :
- 9 avril 2011 : Agression place du Change de plusieurs personnes par une quinzaine d’individus armés de barres de fer, sortant du local « La Traboule ».
- 14 mai : Organisation d’un rassemblement place Saint-Jean en remplacement de la Marche des cochons et manifestation entre la rue Lainerie et la rue Saint-Jean, lors de laquelle des slogans islamophobes, des saluts nazis et le saccage de deux restaurants kebabs sont perpétrés.
- Entre les mois de mai et juin : à deux reprises chaque fin de semaine, des groupes d’une trentaine de personnes sortant du local « La Traboule », armées de bâton ou de barres de fer, improvisant de violentes manifestations de rue plusieurs heures durant. La police semble être intervenue au moins une fois.
- En juin : deux plaques « Rue Juiverie » sont démontées et une autre détériorée ; on y retrouve des inscriptions à caractère antisémite; depuis, après intervention de la Renaissance Vieux Lyon, ces plaques ont été remplacées et nettoyées.
- Début juillet : saccage de fond en comble d’un « bar oriental » installé récemment rue de la Loge au pied de la montée du Change ; des inscriptions nazies sont relevées par la police, du type « Hitler n’a pas fini le travail ». Cette dernière interroge les occupants du local « La Traboule », une enquête en cours évoque « d’obscures raisons de voisinage qui auraient dégénérées », sans qu’il soit énoncé que les Identitaires y soient mêlés.
La liste dressée par Strada Nova ne prend pas en compte les actions de l’extrême-droite datées de 2010, qui se sont déroulées dans ce même quartier :
l’agression de trois syndicalistes de la CNT le 6 mars , la contre-manifestation pour un « kiss-in » place Saint-Jean, le 18 mai , et la manifestation sauvage au cri de « 1,2,3, retourne en Algérie » lors du match de football Algérie-Angleterre, le 18 juin .
l’agression de trois syndicalistes de la CNT le 6 mars , la contre-manifestation pour un « kiss-in » place Saint-Jean, le 18 mai , et la manifestation sauvage au cri de « 1,2,3, retourne en Algérie » lors du match de football Algérie-Angleterre, le 18 juin .
Quels liens entre la présence des identitaires et les actes d’extrême-droite ?
Fort de ce recensement, l’association de la rue Juiverie a saisi Renaissance Vieux Lyon (RVL), une institution à Lyon. C’est notamment à cette association, qui revendique 600 membres, qu’on doit le classement du quartier au patrimoine mondial de l’Unesco.
Une délégation de la RVL, conduite par Annick Lioud, présidente, qu’accompagnait Yves Neyrolles, vice-président et membre de la commission « vie de quartier », a rencontré le commissaire du 5e arrondissement le 14 octobre dernier. Yves Neyrolles raconte :
Une délégation de la RVL, conduite par Annick Lioud, présidente, qu’accompagnait Yves Neyrolles, vice-président et membre de la commission « vie de quartier », a rencontré le commissaire du 5e arrondissement le 14 octobre dernier. Yves Neyrolles raconte :
Détérioration d’une des plaques « Rue Juiverie » en juin 2011. Avec un autocollant d’un groupuscule d’extrême-droite, le Parti Solidaire Français
La Marche des cochons, un révélateur
En parallèle, employés et bénévoles de la MJC Vieux Lyon, très choqués par la tenue du rassemblement Identitaire du 14 mai dernier, sous leurs fenêtres, ont rejoint le Collectif 69 de Vigilance contre l’Extrême-Droite, en représentant la fédération régionale des MJC. Cette manifestation, d’abord baptisée Marche des cochons, avait été interdite par le préfet du Rhône puis finalement autorisée sous un autre nom, celui de Rassemblement pour la liberté. Le « Collectif Vigilance », qui regroupe une trentaine d’organisations de gauche, avait fortement protesté contre l’événement. La Maison des jeunes envisage depuis de tenir un café-citoyen sur le thème de l’extrême-droite à Lyon. La présidente de la structure, Aurélie Borg, justifie l’inscription de la MJC dans cette démarche :
Les voisins chargent les identitaires
Ils n’appartiennent à aucune structure mais ils essayent de faire entendre leur voix auprès de la municipalité, de la police ou du Collectif Vigilance. Des voisins, par deux fois, témoignent contre les identitaires.
Le 9 avril, vers 19 heures, deux personnes se font rouer de coups place du Change. L’un deux a la mâchoire cassée en deux partie. Un des habitants de la montée du Change nous a envoyé ce texte :
Le 9 avril, vers 19 heures, deux personnes se font rouer de coups place du Change. L’un deux a la mâchoire cassée en deux partie. Un des habitants de la montée du Change nous a envoyé ce texte :
Le 15 mai, vers minuit, un couple habitant rue Juiverie, dont les fenêtres donnent sur le local Identitaire, sont témoins d’une tentative de passage à tabac. Ils racontent :
Les Identitaires nient en bloc
Le porte-parole des Jeunes Identitaires Lyonnais, Damien Rieu rejette la paternité de tous ces événements. « C’est comme si on accusait les syndicats des débordements à la suite d’une manifestation », déclare-t-il. S’agissant du tabassage du 9 avril qui s’est déroulé à une trentaine de mètres de leur local, il reste toutefois plus prudent : « une enquête est en cours. Je réserve mes déclarations à la Justice ». Et il contre-attaque en accusant le Collectif Vigilance :
Saccage d’un kebab, rue Saint-Jean, le 14 mai 2011
La municipalité : « une volonté authentique de lutter contre l’extrême-droite »
En charge de cette question à la Ville de Lyon, le premier adjoint en à la sécurité, Jean-Louis Touraine (PS) a pesé pour que la municipalité prenne la mesure de ces événements. Politiquement, tout d’abord, il a fait en sorte que le parti socialiste rejoigne le Collectif Vigilance. Dans la gestion municipale, ensuite, il essaye de poursuivre tous les actes répréhensibles, sans aller, pour l’instant jusqu’à l’interdiction du local. La mairie n’a saisi le procureur de la République que pour « les tags et l’affichage à caractère xénophobe et raciste rue Juiverie ».
Jean-Louis Touraine explique :
Jean-Louis Touraine explique :
Les Identitaires ne sont pas les seuls
D’autres groupes d’extrême-droite fréquentent assidûment le Vieux Lyon. Alexandre Gabriac, exclu du Front National pour un salut nazi , a ses habitudes avec ces amis des Jeunesses Nationalistes dans les pubs du quartier. C’est dans un de ces pubs au nom anglo-saxon que l’organisation étudiante Groupe Union Défense (GUD) a été recréée à Lyon en septembre par un proche de Gabriac, Steven Bissuel. Pour l’instant aucune procédure à propos des événements du Vieux Lyon ne les concernent.
Il y a aussi les hooligans du stade dont la philosophie pourrait se résumer à « bière, foot, baston » et qui ne rechignent pas à la provocation néo-nazie (bras tendu et croix-gammée). Depuis la fermeture au public de leur local à Gerland en mai, le Bunker Korps Lyon , ils n’ont plus de lieu de rassemblement et viennent s’abreuver les jours de fin de semaine dans le Vieux Lyon. Un représentant du Collectif Vigilance, qui préfèrent garder l’anonymat, pointe les liens entre ces groupes radicaux et les Identitaires :
Il y a aussi les hooligans du stade dont la philosophie pourrait se résumer à « bière, foot, baston » et qui ne rechignent pas à la provocation néo-nazie (bras tendu et croix-gammée). Depuis la fermeture au public de leur local à Gerland en mai, le Bunker Korps Lyon , ils n’ont plus de lieu de rassemblement et viennent s’abreuver les jours de fin de semaine dans le Vieux Lyon. Un représentant du Collectif Vigilance, qui préfèrent garder l’anonymat, pointe les liens entre ces groupes radicaux et les Identitaires :
Pour la préfecture, « c’est l’extrême-droite contre l’extrême-gauche »
Contacté, le préfet de police, Jean-Pierre Cazenave-Lacrouts, n’a souhaité apporter « aucun commentaire ». Dans ses dernières déclarations, son supérieur, le préfet Jean-François Carenco, a parlé d’un affrontement opposant extrême-droite et extrême-gauche. Cette thèse est fermement rejetée par Jean-Louis Touraine et le Collectif Vigilance. Le représentant du Collectif Vigilance commente :
Et depuis le 6 mars 2010, jour où trois syndicalistes de la CNT se sont faits frapper, la majorité des militants identifiés « antifascistes » ne préfèrent plus mettre les pieds à Saint-Jean, surtout en soirée. Déjà une victoire pour l’extrême-droite.
Pour aller plus loin
Sur franceculture.fr
L’émission Les Pieds sur terre du 9 novembre 2011
Sur lesinrocks.com
Identitaires, skins : la face noire de Lyon
Sur franceculture.fr
L’émission Les Pieds sur terre du 9 novembre 2011
Sur lesinrocks.com
Identitaires, skins : la face noire de Lyon
> Article modifié à 22h21 avec la précision suivante : la fédération régionale des MJC a rejoint le collectif 69 de Vigilance contre l’extrême-Droite, représentée par la MJC du Vieux Lyon
Collectif 69 de Vigilance contre l’Extrême-Droite : MFPF, RESF, CGA, CNT, FSE, Sud éducation, Solidaires, la CGT vinatier et CGT éducation, CRASS, PG, le PIR, NPA, GU, PS, PCF, SOS RAcisme, LDH, le CRI, UJFP, Les Voraces, La Rafal, Résistance Citoyenne Ouest Lyonnais, Ras l’Front, MRAP, Jeunes Ecologistes
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