L'Observatoire du racisme ou la plainte - LeMonde.fr
Il aura fallu deux lettres d'excuses et une promesse bien sentie, pour que le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) abandonne, sans plus d'états d'âme, le 15 novembre, la procédure judiciaire qu'il avait engagée, deux mois plus tôt, contre le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, Michel Bart. Le CRAN, association antiraciste fondée il y a cinq ans, avait décidé, le 20 septembre, d'attaquer M. Bart pour 'incitation à la haine raciale'. Ce dernier avait rédigé la circulaire contestée du 5 août, demandant explicitement le démantèlement des camps illicites de Roms.
L'avocat du CRAN, Me Francis Terquem, raconte l'épisode sans difficultés. Suite à l'envoi d'une citation directe à M. Bart, une audience de conciliation était prévue le 23 novembre. Mais 'le 15 novembre, nous avons reçu deux courriers', dit-il. L'un de M. Bart : 'A titre personnel, il nous a fait part de ses regrets et de la sincérité de ses sentiments antiracistes'. L'autre, signé du ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, 'qui s'engageait à la création d'un Observatoire sur le racisme'.
Il n'en aura pas fallu davantage pour que le CRAN et son président, Patrick Lozès, décident d'abandonner les poursuites. 'Notre objectif était de participer au débat' (...) 'M. Bart a voulu engager le dialogue' (...) 'dès lors que quelqu'un tend la main, on n'a pas le droit de faire attendre les populations victimes de racisme', justifie M. Lozès.
Abandon des poursuites
M. Lozès l'admet : la citation directe du CRAN - précisément de 'Cap div'', une association affiliée - avait 'quelques aléas techniques'. En clair, des faiblesses juridiques, donc peu de chance d'aboutir. Parmi elles : la difficulté à démontrer 'l'incitation à la haine raciale'. Pour que la justice l'établisse, il aurait fallu que le CRAN prouve la volonté de 'publicité' de M. Bart. Or c'est bien tout le contraire qui s'est produit.
En échange de l'abandon des poursuites du CRAN, la France aura donc, dès le mois mars 2011, un tout neuf 'Observatoire du racisme'. Un projet qui faisait partie d'un rapport proposant '50 mesures pour lutter contre le racisme et le communautarisme' qu'avait remis, en mars, M. Lozès et le sociologue Michel Wievorka, à M. Hortefeux. 'Nous savions que c'était en jeu et nous avons quand même déposé plainte', se défend le président du CRAN.
Cet Observatoire, annoncé par le ministre de l'intérieur, le 1er décembre, ne sera pas 'un machin', assure M. Lozès. 'La France a bien eu un Observatoire de l'antisémitisme, de l'homophobie ou du handicap !', plaide-t-il. L'Observatoire s'inscrira ainsi dans un vaste 'plan national contre le racisme' qui sera lancé au printemps. Il sera aussi composé d'une 'dizaine de personnes', 'commandera des études', produira 'un rapport annuel'. Et 'normalement', le président du CRAN devrait en être l'heureux président.
Elise Vincent
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