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mercredi 24 novembre 2010

Á Lyon, « on a été parqués comme des animaux »

Le 21 octobre, le préfet du Rhône bouclait la place Bellecour, à Lyon, plaçant en garde à vue à ciel ouvert plusieurs centaines de personnes. Un collectif de 39 organisations s’est constitué « pour ne pas laisser passer ça ».
Le jeudi 21 octobre, il fait beau, place Bellecour, à Lyon. En plein centre-ville, une place où l’on baguenaude, où l’on se donne rendez-vous, où l’on achète des fleurs, où l’on boit un café… Mais ce jour-là, à partir de 13 h 30, plusieurs centaines de personnes, lycéens, étudiants, collégiens, passants et touristes, vont être encerclées par un cordon de quelque huit cents gendarmes mobiles, CRS, membres du GIPN, équipés de Flash Ball, de grenades lacrymogènes, de boucliers, bref de tout l’attirail antiémeute, accompagnés de deux camions à eau et d’un hélicoptère. « Nous étions parqués comme des animaux, plus personne n’avait le droit de sortir », témoigne Lou Andréa, une étudiante. Comme cette dernière, les jeunes manifestants espéraient ensuite rejoindre le cortège officiel contre les retraites qui avait, lui, rendez-vous place Antonin-Poncet, c’est-à-dire de l’autre côté de la rue. Ils n’ont bien sûr jamais pu le rejoindre.
Les policiers laisseront entrer les jeunes sur la place jusqu’à 14 heures puis interdiront toute sortie, sauf celles des adultes et « des Blancs ». Les syndicalistes ont tenté de négocier pour que les jeunes puissent rejoindre le cortège officiel de la manifestation, qui avait reçu l’autorisation préfectorale. « Arrivée place Antonin-Poncet, c’est le choc, raconte Delphine. La manifestation est coupée en deux par les CRS, jeunes d’un côté, syndicalistes de l’autre, un cordon de CRS au milieu. L’ambiance est bon enfant, les drapeaux Peace de chaque côté. Mais les cris et les slogans “liberté, égalité, fraternité”, “libérez nos camarades”, n’y font rien. Six camions de CRS affluent en renfort, et les deux côtés sont séparés un peu plus physiquement à grand renfort de bombes lacrymogènes et de matraques… Mon ami met BFM, qui retransmet l’événement en direct et annonce : “Quatre cents casseurs sur la place Bellecour.” Mais où sont les casseurs ? »
Les films, vidéos et photos qui ont été pris par les témoins montrent tous la violence des charges policières (visibles sur le site Rebellyon.info). La police s’est livrée à un véritable filtrage des personnes présentes sur la place, mais on ignore le nombre de blessés. Enfin, à 19 heures, au terme de cinq heures de garde à vue à ciel ouvert, la place est finalement « libérée ». Plus d’une centaine de jeunes gens, majoritairement victimes d’une sélection au faciès, seront toutefois photographiés, fouillés, fichés et trente-cinq placés en garde à vue « légalement ».
Ce sont ces cinq heures d’interpellation en plein air, en totale violation des droits fondamentaux, qui fâchent encore aujourd’hui, d’autant qu’aucun incident n’était intervenu avant le bouclage de la place. « On a l’impression d’un ballon d’essai, d’une garde à vue géante, avec un fichage généralisé, sans constatation d’infraction », décrypte Marie Lacroix, du Syndicat de la magistrature. Franck Heurtray, responsable du Syndicat des avocats de France dans le Rhône, dénonce de son côté une « technique de souricière » pour empêcher les gens d’aller et venir : « On n’est jamais allé aussi loin dans les atteintes aux libertés fondamentales, dit-il, au point qu’on ne sait même pas par où commencer. La participation à une manifestation autorisée serait potentiellement dangereuse ? C’est excessivement grave d’en arriver là, même si cela peut sembler dans la logique sécuritaire du gouvernement. Il n’y aurait plus besoin de délit pour enfermer les gens ? », s’emporte l’avocat. Lequel va demander à la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) de lancer une enquête. « Car le fichage semble avoir été fait sur un public ethniquement ciblé et nous voudrions savoir s’il a été autorisé par un arrêté ministériel. »
Pour aller plus loin judiciairement, le Collectif du 21 octobre lance un appel à témoignages (lire encadré). On ignore en effet si, dans les quatre-vingts personnes déférées au parquet à la mi-octobre, figurent des jeunes gens arrêtés dans le piège de la place Bellecour. En tout cas, le préfet du Rhône, qui avait déclaré le jour même que « les forces de l’ordre (avaient) isolé les casseurs afin de procéder à des contrôles d’identité » a, lui, gagné son bâton de maréchal : il vient d’être nommé directeur du cabinet du numéro deux du gouvernement, le ministre de la Défense, Alain Juppé.
Émilie Rive

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