Ne peut-on aborder cette question honnêtement? Sans détourner les chiffres?
C'est la question que je me pose après l'hallucinant numéro auquel s'est livrée la frange la plus droitière des députés UMP, hier (matin et après-midi), à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de finances 2011.
L'objectif de ce la frange la plus droitière des députés UMP est simple : démontrer en tordant la réalité que l'AME coûte cher et que les étrangers non seulement ne sont pas reconnaissants à la France des efforts qu'elle fait pour eux, mais sont massivement des fraudeurs.
Parangon de la mauvaise foi, Dominique Tian : "Le coût (de l'AME, ndlr) dérape. Ainsi, l’enveloppe, qui s’élevait à 413 millions d’euros en 2008, atteint, en 2011, 588 millions d’euros, soit une augmentation de 42 %, dont plus de 13 % pour la seule année 2009. L’AME croît, par conséquent, quatre fois plus que l’ensemble des dépenses de santé.
De plus, l’AME est devenue, au fil des années, parfaitement inégalitaire, puisqu’elle donne plus de droits à un étranger en situation irrégulière qu’à un étranger en situation régulière ou à un Français qui cotise à la sécurité sociale. C’est inadmissible. Les bénéficiaires de l’AME sont, en effet, dispensés de l’avance des frais et choisissent librement leurs prestataires. Ils ont également droit au tiers payant intégral et ils sont remboursés à 100 %, alors que le travailleur relevant du régime de base de la sécurité sociale n’est pris en charge qu’à hauteur de 70 %."
Réponse de Roselyne Bachelot, en trois points :
"Le premier est qu’il n’y a pas de dérive financière de l’AME. Le coût global du dispositif évolue en effet de la même façon que les dépenses de santé : depuis 2002, le coût réel de l’AME a progressé de 43 %, augmentation à comparer avec l’évolution des dépenses sous ONDAM (objectif national des dépenses de l'assurance maladie, ndlr) réellement constatées qui ont, quant à elles, progressé de 35 %. L’augmentation des dépenses tient donc essentiellement à l’évolution du nombre de bénéficiaires, qui a progressé de 40 % depuis 2002."
Roselyne Bachelot poursuit : "la moitié de l’explication tient à la hausse des effectifs : le nombre des bénéficiaires a progressé de 13 000 bénéficiaires en un an seulement.
L’autre partie de l’explication tient à la forte augmentation des dépenses d’AME relevée dans les établissements de santé : elles ont progressé de 14,9 % en 2009. Vous le savez, les hôpitaux concentrent 70 % des dépenses de l’AME. Or le passage à la T2A à 100 % a conduit certains hôpitaux à être plus vigilants sur l’exhaustivité la facturation à l’assurance maladie ; cet « effet bonne gestion » est assez normal.
Le troisième élément d’ordre factuel qu’il convient de rappeler est qu’un titulaire de l’AME ne se retrouve pas avec plus de droits qu’un étranger titulaire de la CMU-c, même si l’idée selon laquelle les bénéficiaires de l’AME seraient privilégiés est souvent répétée et semble présente dans bien des esprits. Au contraire, à niveau de ressources égal, les bénéficiaires de la CMU-c sont mieux protégés puisqu’ils bénéficient du panier de soins dentaires et optiques avec un niveau de remboursement supérieur aux tarifs de base de la sécurité sociale."
L'augmentation du nombre des bénéficiaires de l'AME s'expliquerait également par le fait que les Européens dépourvus de ressources et certains demandeurs d'asile auraient été basculés sur ce régime, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Et encore, Dominique Tian : "Le système est l’objet de nombreuses fraudes. Pour aller à l’essentiel, je me limiterai à citer le rapport annuel de performances présenté au Parlement – mission 183, indicateur 2.2 – relatif au contrôle de l’aide médicale d’État en 2009. Ainsi, au cours de contrôles effectués en 2009 auprès de 106 caisses primaires d’assurance maladie sur 5 % de dossiers de bénéficiaires de l’AME, le taux d’erreur est de 49,86 % pour, c’est-à-dire qu’un dossier sur deux instruit par les caisses d’assurance maladie est faux, parce que mal rempli. C’est inquiétant."
Réponse de Roseyne Bachelot : "En matière de fraudes, tout dépend de la base qui est envisagée. On a cité le chiffre de 49 %, mais ce ne sont évidemment pas 49 % des bénéficiaires de l’AME qui sont fraudeurs."
Et la ministre de poursuivre sa démonstration : " Les services exercent des contrôles sur les personnes qui leur ont été signalées, par exemple parce que leur train de vie permet de supposer qu’ils ont des revenus supérieurs à ceux qui donnent droit à l’AME. Chacun a eu vent de cette légende urbaine du bénéficiaire de l’AME roulant en Mercedes – sans vouloir faire de publicité, et qui plus est pour une marque allemande (Sourires), mais ces images d’Épinal, que Michel Heinrich m’en excuse, traversent l’inconscient ou la conscience populaire. Quand les organismes considèrent qu’il y a suspicion de fraude, ils exercent des contrôles qui, à 49 %, un sur deux simplement, s’avèrent positifs : ce ne sont donc pas 49 % des bénéficiaires de l’AME qui sont des fraudeurs. Cela prouve en tout cas que la détection des fraudeurs par les services est fondée sur des éléments parfois imprécis mais qui se révèlent souvent exacts."
"Photo © Reuters"
Hexagone: Les mensonges éhontés de députés UMP sur l'aide médicale d'état
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire