La direction de la SNCF diffuse depuis une semaine aux contrôleurs de train de Marseille des exemplaires d’un nouveau « modèle de fiche de signalement » d’agressions ou de plaintes qui recueillent des données à caractère ethnique.
Intitulé « Restons acteur de la sûreté », le document présenté comme devant être rempli par « la victime ou le plaignant », est censé être joint au rapport « Sûreté » que rédige le contrôleur en cas d’incident à bord de sa rame.
La fiche n’est pas aussi anodine qu’elle se veut puisque pour rassurer ses agents, la SNCF a pris soin d’indiquer que ce formulaire est « déjà utilisé entre le SISTC (*) et la Régie des Transports Marseillais » et qu’il vise à « augmenter notre réactivité en faisant "remonter" rapidement les bonnes informations déclarées. »
Large palette exotique
La victime est invitée, pardon, doit « impérativement » donner son identité, son téléphone. Elle doit aussi préciser la nature et le lieu des faits puis procéder au verso à une « description du ou des auteurs. » Parmi les cases à cocher proposées, figurent la « taille », le « sexe » mais paradoxalement rien sur la fourchette d’âge de l’individu puisque le choix n’est proposé qu’entre « adulte » et « enfant ». Par contre là où le document s’enrichit c’est dans sa rubrique « Type » à large palette exotique puisqu’il est proposé à la victime d’identifier son agresseur parmi sept faciès géographico-ethniques : « Européen », « Africain », « Nord Africain », « Asiatique », « Latino-Américain », « Gitan » et « Pays l’Est ».
La récente polémique sur les reconduites ciblées de Roms et l’existence d’un fichier « Minorité ethnique non sédentarisée » de la Gendarmerie nationale ne semblent pas avoir servi pour rendre la direction de la SNCF bien imprudente de diffuser pareil document qui suscite déjà le tollé des syndicats. Ils s’inquiètent de ce contenu racial et du devenir de ce qu’il faut bien appeler des fiches.
Il n’est évidemment pas contestable qu’une victime fournisse un signalement précis sur l’apparence physique de son agresseur, mais il l’est davantage quand le support écrit paraît adosser à un traitement informatique des données récupérées utilisables à des fins statistiques dont la valeur scientifique serait parfaitement douteuse. Le formulaire précise en effet aux contrôleurs que « ces renseignements seront très précieux en opérationnel » pour la police ferroviaire (SUGE) et la Police nationale « mais également pour le suivi de l’enquête ».
Loi informatique et libertés
De quel suivi est-il question ? La loi française interdit non seulement le « traitement » de données à caractère ethnique mais il est bon de rajouter qu’elle en réprouve également la simple « collecte ». L’article 8 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés précise qu’ « il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci. »
La CGT et le Syndicat Sud-Rail s’émeuvent de la diffusion du document et demande le retrait de la rubrique « Type ». « C’est tout simplement une honte », souligne Sud Rail dans un communiqué dans lequel il « demande à tous les cheminots de refuser de participer à ce genre de descriptions qui servent de paravent à la mise en œuvre de la politique antisociale du gouvernement. » De rappeler que « la mission de service public des cheminots consiste d’abord à assurer la sécurité des circulations et des usagers et non de concourir à des actes de stigmatisation des individus en fonction de leur "type" ! »
« C’est absurde et dangereux. Cela suggère qu’une origine ethnique conditionne la délinquance d’un individu. On glisse vers des thèses raciales et je n’aime pas çà . », réagit un contrôleur qui n’en veut pas.
DAVID COQUILLE
Service interdépartemental de sécurisation des transports en commun de la Police nationale
L’agresseur était de type… « Gitan » ? - La Marseillaise: "L’agresseur était de type… « Gitan » ?
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