Rivarol, Minute et maintenant Présent. Des trois titres “historiques” de l’extrême droite, aucun ne soutient Marine Le Pen, dans la succession à son père, Jean-Marie Le Pen, à la tête du Front national. Pour autant, ces trois journaux ne supportent pas tous ouvertement Bruno Gollnisch. Et surtout, chacun d’eux a des raisons qui lui sont propres de ne pas “rouler” pour Marine Le Pen. Petite revue de presse nationaliste.
Rivarol. C’est celui qui, le premier, s’est non seulement rangé derrière la candidature Gollnisch, mais qui a régulièrement attaqué Marine Le Pen et ses soutiens. Dès le mois de mai, par une interview de Marc George, Rivarol et son directeur Jérôme Bourbon ont montré de façon presque outrancière leur préférence. Depuis, ils font campagne pour le vice-président du FN.
Et si Jean-Marie Le Pen était épargné dans les attaques, ce n’est plus le cas. Dans le numéro paru le 15 octobre, M. Bourbon franchit un palier en mettant en cause directement le “menhir” et en évoquant à plusieurs reprises “le clan Le Pen” ou encore “le Front familial”.
Auparavant, M. Bourbon prenait soin de faire la différence entre la fille et le père, ne tarissant pas d’éloges sur ce dernier. Une époque, semble-t-il, révolue. “Le Pen qui se comporte de plus en plus en satrape oriental, en grand mamamouchi“; “Si Le Pen voulait absolument que ce fut sa fille qui lui succédât et personne d’autre, il aurait mieux valu le dire clairement, imposer à tous sa progéniture comme dans la communiste et tyrannique Corée du Nord”, écrit notamment M. Bourbon.
Dans ce même numéro, trois pages (sur douze) sont consacrées au congrès du FN et comportent toutes des appels au vote pour M. Gollnisch. En clair, c’est un journal de campagne.
Minute. Cela a été l’”affaire” de la semaine, peut-être un tournant dans la campagne interne. En publiant un organigramme d’un FN “mariniste” où les pro-Gollnisch seraient écartés, Minute a annoncé la couleur: l’hebdomadaire ne se transformera pas en organe de soutien à la candidature de Marine Le Pen pour le congrès des 15 et 16 janvier 2011.
Ce titre, le plus connu de la presse d’extrême droite, est passé d’une relative bienveillance à l’égard de Mme Le Pen, à une nette prise de distance. Pas sûr, pour autant, qu’ils roulent pour M. Gollnisch. En tout cas, cette “une” a fait franchir un cran supplémentaire dans la nervosité et dans la paranoïa qui règnent au Front national depuis les soupçons d’entrisme.
Présent. Le journal des catholiques traditionnalistes, a longtemps été discret sur la question de la succession. Vendredi 15 octobre, Jeanne Smits, directrice de la rédaction, a pris position, dans un -prudent- article intitutlé “Les primaires au FN et l’avortement”.
Sur la base des positions défendues par les deux candidats à propos du droit à l’avortement, Mme Smits tranche donc pour M. Gollnisch. “Bruno Gollnisch, interrogé par notre confrère Minute, a répondu à propos de l’avortement que “la législation actuelle doit évidemment être changée”, elle qui a “organisé la suppression de millions de vies – 200 000 enfants à naître chaque année en France”. Il a précisé: “Je ne suis pas favorable à un retour à une situation qui faisait que des femmes, souvent en situation de grande détresse, répondaient seules devant les tribunaux du fait d’avoir avorté”(…) C’est, en somme, ce que préconise le “projet” de Loi pour la Vie élaboré par le Centre Charlier, qui prévoit de repénaliser l’avortement qui est un crime, mais de ne pas prévoir de peine pour la femme qui avorte, deuxième victime de l’avortement.”
Plus loin, Jeanne Smits rappelle qu’“en 2005, alors que nous la poussions à préciser sa pensée, Marine Le Pen avait dit que même en cas de climat favorable à la vie obtenu grâce à l’action future du FN, s’il était au pouvoir, elle ne demanderait pas l’abrogation de la loi Veil.”
Ces “non-soutiens” constituent-ils un handicap pour Marine Le Pen? A part le cas Minute - qui ne lui a jamais été hostile-, les courants représentés par Rivarol et Présent n’ont jamais vu d’un bon oeil l’ascension politique de la benjamine des Le Pen. Rivarol, obsédé par les juifs et les homosexuels, voit notamment en Marine Le Pen une complice du “sionisme” et une amie de ce que Rivarol nomme les “invertis“.
Présent, est proche de Bernard Antony, l’ancien chef des catholiques traditionnalistes du Front qui ne porte pas Mme Le Pen dans son coeur -la réciproque est aussi vraie. M. Antony nous a d’ailleurs récemment déclaré que “l’avortement est un point important de la différence avec Marine Le Pen”.
Finalement, ces “non-soutiens” arrangent Mme Le Pen et sa stratégie de ”lissage” de l’image du FN. Ne pas être soutenue par les titres historiques de la “mouvance” peut lui permettre de dire qu’elle n’a plus rien à voir avec cette extrême droite-là. Ainsi, elle pourrait en profiter pour en tirer un nouvel argument de ce qu’elle appelle “la dédiabolisation”. A l’inverse, de tels soutiens peuvent marginaliser Bruno Gollnisch à l’extérieur et à la périphérie du FN.
Mais ce seront les adhérents qui voteront pour le congrès, pas les sympathisants. Or, ces titres représentent des courants de pensée structurés à l’extrême droite. Notamment les catholiques traditionnalistes, assez nombreux. Et en cas de scrutin serré, cela peut faire pencher la balance.
Marine Le Pen: pourquoi “Rivarol”, “Minute” et “Présent” font défection - Droite(s) extrême(s) - Blog LeMonde.fr: "Marine Le Pen: pourquoi “Rivarol”, “Minute” et “Présent” font défection
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