SOS Racisme Partenaire de Quat'rues

lundi 18 octobre 2010

Ce week-end, SOS racisme a testé l'entrée des discothèques

Ouajdi Feki (en médaillon, au centre) s'est vu refuser l'entrée du 1810 avec la jeune femme qui l'accompagnait / Pierre Charmet


Ouajdi Feki (en médaillon, au centre) s'est vu refuser l'entrée du 1810 avec la jeune femme qui l'accompagnait / Pierre Charmet

Des couples de couleur se sont présentés à l'entrée de trois établissements, à Saint-Etienne, La Talaudière et Saint-Cyprien. L'un a refusé l'entrée aux personnes d'origine maghrébine

On appelle ça un « testing » : prouver qu'il y a eu discrimination sur la base de critères raciaux. SOS racisme utilise ce procédé depuis de nombreuses années, pour dénoncer la sélection qui est parfois faite à l'entrée des discothèques. C'est ainsi que, dans la nuit de samedi à dimanche, l'antenne départementale de l'association a demandé à trois couples de se rendre dans trois établissements différents. Le premier couple étant d'origine maghrébine, le deuxième d'origine « subsaharienne », et le troisième de type européen. Tous bien habillés, cela va de soi. « On les envoie chacun leur tour à quelques minutes d'intervalle », explique Melinda Fadel, qui supervise le dispositif. « Et on enregistre les conversations avec un micro dissimulé, ce qui peut éventuellement servir de début de preuve en cas de refus. »

Il est 0 h 30 lorsque la première discothèque est testée. Il s'agit du Trianon à Saint-Etienne. Les deux couples de couleur se présentent comme prévu, l'un après l'autre. Ils parviennent à renter sans problème. Du coup, le couple « européen » se voit dispenser de tenter sa chance. Plutôt encourageant ? « Non, c'est normal », estime Norbert Nitcheu, président départemental de SOS racisme. Un militant souligne toutefois « que c'est un peu tôt, et qu'il n'y a peut-être pas grand monde. Du coup, on les laisse entrer plus facilement ».

Deuxième test au 1810, à La Talaudière. Sauf que c'est l'anniversaire de l'établissement et que la file d'attente est impressionnante. « On va perdre du temps, on fait quoi ? » demande un couple. « Faisons d'abord l'autre, on reviendra après » dit Melinda.

Direction le Méli-Mélo, donc, à Saint-Cyprien. Les établissements de la plaine du Forez ont la mauvaise réputation de refuser les gens de couleur. Mais surprise : là encore, les couples maghrébin et noir entrent sans problème. L'opération va-t-elle faire chou blanc ? « Non, le but n'est pas de piéger », assure Ouajdi Feki, le coordinateur régional. « C'est de dénoncer une réalité qui n'est pas acceptable ».

Et c'est finalement lui qui va en faire les frais. Car il compose le couple d'origine maghrébine avec une jeune femme et, lorsque tous deux retournent au 1810, le portier leur refuse l'entrée. Ouajdi a beau insister, celui-ci ne veut rien entendre. Par contre, il voit le couple noir dans la file d'attente, et le fait entrer sans problème.

Lorsque toute l'équipe revient pour expliquer sa démarche, le videur dit : « Je croyais que vous vouliez entrer avec les trois autres jeunes gens derrière vous ». Manière de signifier qu'il refusait un groupe trop important. Le gérant, lui, affirme que son établissement était déjà complet. « Sinon, je suis hors sécurité » plaide-t-il. Sauf que d'autres personnes sont entrées juste après le couple… La tentative de dialogue tourne court, et les militants décideront finalement de déposer plainte.

Jean-Hugues Allard

« Ça confirme le racisme anti-beurs à l'entrée de certaines discothèques »

Un seul couple refusé sur les trois établissements, le bilan pourrait paraître positif. « Mais c'est encore un de trop » déclare Norbert Nitcheu. « Et encore une fois, c'est un couple d'origine maghrébine qui en fait les frais ». Ce qui n'est pas nouveau, selon lui : « Ce testing confirme les précédents : il y a un racisme anti-beurs à l'entrée de certaines discothèques. Les blacks n'ont quasiment jamais de problèmes, mais les personnes d'origine maghrébine sont clairement victimes de discrimination ».

Il en est une que l'expérience a marquée : la jeune femme qui composait le couple beur : « C'est la première fois que j'allais en boîte. Franchement, c'est humiliant. On se demande ce qu'on a fait pour mériter ça ».

J.-H. A.


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