SOS Racisme Partenaire de Quat'rues

lundi 8 février 2010

Sept questions naïves aux partisans de la statistique de la diversité

Le lobby des statistiques ethniques continue son petit bonhomme de chemin, étape après étape. Hier apprenait-on ainsi que suite aux conclusions pour le moins contournées du Comité pour la mesure et l’évaluation de la diversité et des discriminations, le président du CRAN, suivi par quelques députés de droite et de gauche, lançait un « appel pour une loi sur les statistiques de la diversité ». Loi en leur faveur s’entend. Le débat sur ces statistiques est particulièrement pénible et fatiguant, car il ne progresse en réalité pas d’un iota au fil du temps. Les positions et les arguments ne changent pas ; seule se prolonge l’action de lobbying, avec un succès semble-t-il grandissant.

La lecture de l’argumentation de l’appel lancé dans le Journal du Dimanche est limpide. « Chaque jour, des millions de Français souffrent des discriminations », qui « demeurent massives dans notre pays » et doivent être en conséquence « mesurées avec précision. ». Comment ? « Le Conseil constitutionnel a validé (…) les études basées sur le patronyme et l’apparence physique, du moment que (…) les études se fassent sur une base anonyme, auto-déclarative, facultative, sans constitution de fichier. C'est très exactement ce que nous demandons. ». Conclusion [roulements de tambours] : « N'hésitons pas à le dire, il en va de notre unité nationale. Il en va de l'avenir de notre pays. ».

Comme je doute, personnellement, de l’importance de ces statistiques pour notre « unité nationale », je me permets de poser quelques questions, tout à fait naïves, à leurs défenseurs.

(1) Si on sait déjà que « des millions de Français » souffrent de discriminations, pourquoi faut-il le mesurer ? Pour faire avancer la reconnaissance du combat contre les discriminations ? Mais l’existence d’une structure telle que la HALDE n’est-elle pas déjà une reconnaissance en soi de ce phénomène ?

(2) Que veut dire « mesurer avec précision » ? Ces termes pudiques renvoient aux « études basées sur le patronyme et l’apparence physique ». Ce qu’on veut savoir, c’est donc en gros si le fait de s’appeler Mohammed rend plus difficile de x% l’obtention d’un emploi que si l’on s’appelait Maurice, et sans doute aussi (dans un deuxième temps) si quitte à ne pas s’appeler Maurice, il vaut mieux s’appeler Mamadou ou Mohammed.

(3) En quoi le fait de savoir que Maurice a 3 fois plus de chance que Mohammed – et peut-être 3,5 fois plus que Mamadou (ou l’inverse) – de décrocher un emploi permettra-t-il de rétablir concrètement l’égalité entre nos trois amis à prénom en –m ? Inversement, est-il impossible d’imaginer des moyens immédiats de lutter pour rétablir cette égalité – au hasard, CV anonyme, testing, éducation à la citoyenneté et à l’anti-racisme introduite tout au long du parcours scolaire, plan Marshall dans les quartiers pauvres – qui seraient indifférents à l’existence et à l’utilisation de telles statistiques ?

(4) Quelle est la différence, apparemment évidente pour les beaux esprits signataires de l’appel du JDD, entre « l’origine ethnique ou raciale » (c’est mal) et le classement par « patronyme ou apparence physique » (c’est bien) ? Pour obtenir des statistiques utilisables, ne va-t-on pas, au bout du compte, finir par utiliser des catégories de classification renvoyant à des groupes ethniques ?

(5) Conjointement, les réponses « anonymes, auto-déclaratives » au questionnaire, qui renvoient peut-être au « sentiment d’appartenance » cher à Yazid Sabeg, ne devront-elles pas au bout du compte être repassées à la moulinette de catégoriques ethniques, au risque sinon de ne rien prouver ? Car pour parler de façon plus crue ou directe que les pétitionnaires, ce qu’ils cherchent à montrer, c’est bien l’existence quantifiée de discriminations contre tel ou tel groupe ethnique – « noirs, arabes, asiatiques ou métis », comme ils l’avouent au début de leur texte. Si c’est vraiment utile, alors les enquêtes ne seront elles-mêmes utiles que si les sondés se décrivent suivant ces catégories. Si je suis « de type » arabe, victime de discriminations mais que je me présente à l’enquêteur comme « Français de souche », alors je fausse l’étude. Donc on laissera peut-être les sondés se présenter comme ils le veulent (au lieu de cocher une case correspondant à leur couleur de peau), mais en priant très fort pour qu’ils donnent une réponse analysable en termes de … couleur de peau !

(6) La réalité sociale a ceci de particulier qu’elle est affectée directement (et fortement) par les instruments et concepts d’étude qu’on introduit en son sein. Qu’un zoologiste spécialiste des antilopes introduise des concepts visant à distinguer d’une façon nouvelle entre différentes catégories d’antilopes ne changera pas grand chose à la vie de ces dernières. En revanche, que l’Etat se mette à manipuler à grande échelle, pour qualifier ses citoyens, les termes de « noir », « arabe » ou « métis » ne sera pas sans conséquence sur le corps social, sa vie et sa façon de s’appréhender lui-même. Comment nos pétitionnaires envisagent-ils cela ?

(7) Si on peut plaider l’irresponsabilité pleine de bons sentiments pour les scientifiques et députés qui soutiennent cette mesure, comment ne pas croire que les organisations communautaires telles que le CRAN ne visent pas, au bout du compte, un système de quotas ethniques (dans les concours, dans les administrations …) fondé sur les résultats de ce type d’études statistiques ? On notera en passant l’incohérence ou l’hypocrisie de cette organisation qui à la fois, selon sa page Wikipedia, soutient qu’il n’existe pas de « race », « ethnie » ou « communauté noire » en France, mais prétend fédérer les organisations … noires de notre pays.

Le lobby des statistiques ethniques ou de la « diversité » est mû, à mon sens, par deux dogmes. D’abord celui d’un scientisme naïf, selon lequel il faudrait connaître parfaitement et de façon quantitative la réalité pour agir. Ensuite celui, moins avoué, d’un communautarisme revendicatif, qui veut rendre justice à chaque « communauté », sans que l’on sache très bien si cela renvoie à des groupes sociaux et/ou ethniques (tabou du racisme oblige). Ces deux voies sont également dangereuses pour la République. Et produisent à leur tour des discriminations – pourquoi la pétition du JDD mentionne-t-elle les « noirs », « arabes », « asiatiques » et « métis », mais pas les Indiens, d’Inde ou d’Amérique ? Et les Polynésiens ? Sont-ils moins importants car moins nombreux en France ? Cela veut-il dire que certaines minorités valent plus que d’autres ? Etc. Le piège est retors est infini. Souhaitons que la majorité des élus de la nation refusent de s’enfermer dans cette impasse qui n’est rendue possible, c’est un fait, que par l’insuffisance de la lutte contre les discriminations dans notre pays.

Romain Pigenel


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