Désolé d'insister sur le sujet. Mais la pratique d'un racisme ordinaire institutionnel prend des proportions inquiétantes ces derniers jours. Après les Auvergnats d'Hortefeux, les blancos de Valls, l'humour gras de Chirac, c'est Sarkozy en personne, comme le revèle Libé du 2 décembre, qui s'est livré au maniement de sous-entendus en remettant, qui plus est, la légion d'honneur à Dany Boon. Il y a du sang kabyle chez ce dernier et son vrai nom, Hamidou, n'a pas passé la rampe du spectacle. Nous n'avons pas la possibilité d'interroger directement Dany Hamidou-Boon pour savoir si cette transmutation onomastique relève d'une volonté de ne pas révéler ses vraies racines mais le Président de la République s'est amusé à laïusser sur ce jeu de cache-cache patronymique. Au début, de franches rigolades ont accueilli les balourdises, genre "avec un tel nom, ce n'était pas facile", puis, devant l'insistance présidentielle, le public a laissé transpirer comme une sourde mais éloquante consternation.
De même, lors d'un débat sur l'identité nationale, un élu UMP a laissé entendre que dix millions d'Arabes, ça suffisait. A l'heure des portables-caméras, de l'entrisme technologique dans toutes les conversations des gens importants, un code de bonne conduite s'impose, à tous. Ces supposés propos volés révèlent une appréciation douteuse de la communauté maghrébine : comment militer pour le CV anonyme, comment s'indigner du comportement amoral de certains patrons face aux identités exotiques, lorsque, au plus haut niveau de l'Etat, on se débraille avec autant de vergogne.
L'élu incarne l'exemplarité, même s'il y a loin de la coupe aux lèvres. Il est donc indispensable que ces blagues de soulard cessent. En réponse à un édito, un lecteur indique qu'il a été victime d'un racisme anti-blanc. C'est la même chose. Il n'y a pas de zone grise en la matière. Parce que ce racisme ordinaire a des conséquences réelles sur la perception de l'autre et les Arabes ne peuvent accepter d'être ainsi moqués à des fins rigolardes. Il ne faudra pas ensuite s'étonner d'un repli communautaire et d'une inclination toujours plus forte à la désintégration nationale de la communauté maghrébine. Comme toutes les sociétés modernes, la France est façonnée par le multicultarisme. Cette réalité se travaille au quotidien. Ces derniers temps, nous régressons. Pour quelles raisons ? Pour d'extravagantes poussées comiques ! On ne rigole pas avec l'image de l'autre.
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