«Il faut que la lutte contre les discriminations soit une priorité de politique pénale pour que les choses avancent», martèle Dominique Sopo, président de l'association SOS Racisme. C'est dans une belle salle de l'hôtel de ville de Paris, avec des peintures aux plafonds, des dorures et du parquet qui craque, que se tient jusqu'à samedi après-midi un colloque organisé par SOS Racisme. Avec l'objectif ambitieux de faire le point sur les dix dernières années de lutte contre les discriminations.
Au rayon des avancées incontournables ces dernières années: la méthode du testing, qui consiste à passer des coups de fils anonymes aux personnes soupçonnées de discrimination, est désormais une preuve recevable.
«Pendant longtemps, explique Maître Jean-Philippe Duhamel, avocat à la Cour de cassation, les juges voyaient cette méthode d'un mauvais œil. Il faut être honnête, ces coups de fil anonymes sont bien un piège tendu. Du coup, ce mode de preuve était jugé "déloyal" et donc pas recevable. Or, d'un autre côté, il est vraiment difficile pour une victime d'apporter la preuve de la discrimination... Nous avons réussi en 2002 à faire admettre à la cour de cassation que la partie civile pouvait apporter la preuve par tous les moyens. Et donc par testing.» Une victoire donc, même si, comme le souligne un intervenant, «en pratique, les juges peuvent toujours dire que la preuve ne les convainc pas.»
«Il faut aussi parler de la rançon de la gloire dont on est victime aujourd'hui, intervient un avocat dans la salle, visiblement membre de l'association. Oui, parce qu'aujourd'hui policiers et magistrats nous disent : " le testing, puisque vous connaissez, vous avez qu'à le faire à notre place." On a fait une méthodologie, le parquet et la Halde doivent aussi prendre l'initiative.»
En 2007, ont été créés des pôles anti-discrimination autour de chaque procureur, pour justement favoriser la coopération entre magistrats, avocats et policiers et gendarmes. «On essaie de monter des formations pour apprendre par exemple aux gendarmes les méthodes de testing», explique Martine Valdes-Boulouque, procureure générale auprès de la cour d'appel de Grenoble. Seule représentante du ministère public, la magistrate a été prise à partie à plusieurs reprises.
Principale critique: la frilosité des juges qui rechigneraient à condamner. «C'est très dur d'obtenir une condamnation du juge en matière de discrimination. On a beau apporter des preuves matérielles, des témoignages... Ce n'est jamais suffisant !», déplore Bertrand Patrigeon, avocat au barreau de Paris. Pour SOS Racisme, la solution passe par une meilleure sensibilisation des juges aux questions de discrimination.
Epinglée aussi, la Halde, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité créée en 2004 et jugée par SOS Racisme comme trop frileuse et pas suffisamment active. Un intervenant résume: «comment se fait-il qu'on soit plus actif que la Halde alors qu'on n'a pas du tout le même budget?»
L'association SOS Racisme tient un colloque jusqu'à samedi à Paris pour faire le point sur les dix dernières années de lutte contre les discriminations."
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