Patrick Weil, enseignant à Paris 1, spécialiste de l'histoire de la nationalité et de l'immigration, a coordonné en février 2008 une pétition (à télécharger ici en pdf) réclamant l'arrêt de la réforme de la procédure de naturalisation. Cette réforme, ébauchée à l'époque par Brice Hortefeux et annoncée aujourd'hui par son successeur Eric Besson, va confier la naturalisation aux préfectures.
Pourquoi parlez-vous d'«arnaque» au sujet de cette réforme de la procédure de naturalisation ?
Jusqu'à présent, la demande de naturalisation se faisait à la préfecture, mais, pour que les décisions soient cohérentes, tous les dossiers étaient ensuite centralisés à la sous-direction des naturalisations (SDN), installée à Rezé (près de Nantes). La préfecture donnait un avis, mais la décision finale revenait aux fonctionnaires spécialisés de la SDN. L'avis de la préfecture n'engageant d'ailleurs pas la décision finale: il arrive qu'un candidat ayant reçu un avis négatif en préfecture voit finalement sa demande acceptée par la SDN. Ce n'est plus ce qui va se passer. Avec la réforme, ce sera aux préfectures de décider. Ce qui va créer une inégalité de traitement, selon le département où l'on habite.
Par exemple ?
En Seine-et-Marne, dans le Val-de-Marne ou en Seine-Saint-Denis, des départements à forte population immigrée, plus de 50% des demandes font l'objet d'une décision négative en préfecture. Dans les Landes ou l'Ariège, on a moins de 25% d'avis négatifs. On voit donc bien qu'avec cette réforme, on va aller vers plus d'arbitraire. C'est une atteinte au principe d'égalité.
Cette réforme sera-t-elle malgré tout de nature à réduire les délais d'attente, comme l'affirme le gouvernement ?
Certainement pas, ça risque même d'être le contraire ! Aujourd'hui, c'est au niveau des préfectures que ça coince, pas de la SDN. Pour obtenir un dossier de naturalisation en préfecture, ça peut prendre deux, trois ans. Et encore, ça n'est que la première étape. Si l'on décide maintenant de donner plus de responsabilités au préfectures, cela va certainement provoquer des dysfonctionnements. Les préfectures n'ont pas les moyens juridiques et en personnel pour traiter ces dossiers, et elle ne les auront pas plus après la réforme. Si on avait vraiment voulu réduire les délais, on aurait pu prendre des mesures de bon sens, comme délivrer les dossiers de demande en mairie. Réduire les délais est un faux argument. Cette réforme est faite pour sélectionner qui on veut naturaliser ou non, suivant des critères qu'on n'ose pas évoquer aujourd'hui, comme l'origine nationale.
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