SOS Racisme Partenaire de Quat'rues

dimanche 8 février 2009

Discriminations liées à la nationalité : un caviardage législatif passé inaperçu

Associations, avocats, députés, sénateurs, majorité comme opposition, personne ne l'avait vu passer. La Halde, qui vient de lever le lièvre, ne mâche pas ses mots, et parle de «régression.» Difficile d'en penser moins en effet: il y a un an, en gommant un mot, un seul, de la loi, le gouvernement a sensiblement affaibli le droit de la lutte contre les discriminations. Explications.

De nationalité camerounaise, Madame X est titulaire d'un diplôme de «bachelier en soins infirmiers», obtenu le 22 décembre 2006, à l'issue d'une année d'étude en Belgique. Titulaire d'une carte de séjour «vie privée et familiale» depuis 2004, elle demande l'équivalence de son diplôme. Refus de la DRASS, à cause de sa nationalité non européenne. Elle saisit donc la Halde (cf. délibération du 15 décembre 2008).

La Halde n'en est pas à sa première affaire de refus de reconnaissance en France de diplômes paramédicaux délivrés par les États membres de l'UE. Pour le cas précis de Madame X., le ministère de la Santé, interrogé, renvoie la Halde au Code de la Santé publique. Son article R4383-7 précise en effet: «Les ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen titulaires d’une attestation d’aptitude aux fonctions d’aide-soignant, bénéficient des mêmes droits que les titulaires du diplôme d’État d’aide-soignant.» Le ministère de la Santé en déduit que cette disposition exclut les ressortissants de pays tiers.

Pour la Halde, cet article n'est pas conforme au principe de non-discrimination, et est notamment contradictoire de l'article 19 de la loi du 30 décembre 2004, qui créait justement la Halde, et qui indique: «en matière […] d’éducation […], d'accès à l'emploi, d'emploi et de travail indépendants ou non salariés, chacun a le droit à un traitement égal, quelles que soient son origine nationale, son appartenance ou non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race.» C'est sur le fondement de cet article que la Halde avait déjà interpellé les pouvoirs publics sur la condition de nationalité pour l'accès à certains emplois.

Problème : cet article a été abrogé à l'occasion du vote de la loi du 27 mai 2008 transposant des directives communautaires, et l'alinéa cité a été remplacé par le suivant par le suivant: «toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'appartenance ou la non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race […] est interdite en matière d’éducation […] d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle.» D'une rédaction à l'autre, la nationalité disparaît, et n'est donc plus considérée comme un motif de discrimination illégitime.

Certes, l'interdiction de discriminer selon la nationalité reste bien sanctionnée par le Code pénal. Mais avec cette nouvelle rédaction, une telle discrimination ne peut plus être poursuivie au civil. Concrètement, la loi votée le 27 mai dernier ruine les chances de Madame X de l'emporter devant le tribunal administratif, au moins en première instance. La Halde rappelle pourtant qu'en matière d'éducation et d'accès à l'emploi, le Pacte international des droits économiques sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies et la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales interdisent cette discrimination. Lire la suite

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