SOS Racisme Partenaire de Quat'rues

vendredi 17 décembre 2010

[TRIBUNE] Les "Assises contre l'islamisation de l’Europe", ou les dangers de l’extrême droite européenne

par Benjamin Abtan*

On aurait tort de sous-estimer l’importance des "Assises contre l’islamisation de l’Europe" organisées par le Bloc Identitaire ce samedi à Paris.

Tout d’abord, cette manifestation montre que les groupes racistes européens sont en lien, en capacité de travailler ensemble et de régénérer une idéologie raciste commune. Face à cette réalité, la constitution récente par SOS Racisme de l’European Grassroots Antiracist Mouvement (EGAM), regroupant les principales organisations antiracistes d’Europe, est une réponse de la société civile européenne, mais force est de constater qu’en la matière, les forces militantes et politiques qui font du rejet de l’Autre le fondement de leur construction intellectuelle et de leurs programmes politiques ont pris de l’avance.

Ensuite, cette manifestation vient illustrer le fait qu’en Europe, de plus en plus, cet Autre contre lequel il faut se liguer, cet Autre à exclure d’une présence pleine et entière dans la société, en particulier des lieux de pouvoir, cet Autre qu’il faut discriminer et expulser, cet Autre contre lequel il faut définir un "nous" exclusif et ethnicisant, c’est le Musulman.

C’est dans le fantasme d’une invasion musulmane du continent et dans la croyance, qui relève de la psychose, en une menace identitaire sur le point de détruire l’Europe qu’il faut trouver le coagulant idéologique qui permet de souder entre eux des groupes racistes européens qui se différencient de plus en plus en intégrant dans leurs discours l’expression de particularismes nationaux.

A cet égard, Geert Wilders, dirigeant du Parti pour la liberté (PVV) néerlandais, est un exemple éloquent. Tenant compte de certains éléments de consensus dans la société néerlandaise, notamment la liberté d’expression et la tolérance religieuse, c’est prétendument au nom de ces principes, qu’il abhorre en réalité, qu’il alimente la haine des musulmans. De même, certaines déclarations de Marine le Pen, comme la présence à ces "Assises contre l’islamisation de l’Europe" d’organisations ou de personnalités se réclamant du combat pour la laïcité, veulent faire croire à l’intégration de cet élément, relativement consensuel, dans le discours de l’extrême droite française, alors même que le Front National, fort de ses courants catholiques fondamentalistes, constitue la force politique qui la combat le plus.

Ne soyons pas dupes : ces manipulation relèvent plus du subterfuge de communication que d’autre chose.

De même, si la figure de fixation des discours racistes change, c’est toujours bien le même mécanisme qui est en jeu : identifier l’ennemi intérieur – juif, musulman ou Rom - pour, sous couvert de se défendre d’une prétendue agression, expulser, puis détruire tous ceux qui n’entrent pas dans la catégorie d’un "nous" racialisé.

Par ailleurs, la présence à ce rassemblement d’Oskar Freysinger, dirigeant du parti d’extrême droite suisse UDC, connu notamment pour avoir imposé, et remporté, le référendum sur l’interdiction des minarets, n’est pas anecdotique et illustre la capacité de circulation des discours racistes en Europe.

En effet, celui qui annonce fièrement qu’il prendra pour la première fois la parole en France ce samedi n’a en réalité pas eu besoin de s’y déplacer physiquement pour que ses idées y circulent. C’est en effet en filiation avec le débat suisse qu’en née, dans le chaudron du débat sur l’identité nationale, la loi sur l’interdiction de la burqa en France. Sans vote suisse, ou sans débat français et ses nombreux dérapages racistes, pas de discours stigmatisants aux relents nauséabonds servant de justifications à cette loi.

Or c’est directement en référence aux arguments avancés par les promoteurs de cette loi en France que les "Démocrates Suédois", l’extrême droite suédoise, ont pu imposer cette thématique dans la campagne électorale, ce qui leur a permis de franchir pour la première fois les portes du parlement et de provoquer un véritable coup de tonnerre en Europe.

On voit bien là la redoutable efficacité de cette circulation, dont ces "Assises sont un accélérateur autant qu’un symbole.

Enfin, comme un nombre croissant de partis de gouvernement reprennent des éléments de discours ou des points de programme élaborés dans les franges extrêmes de l’échiquier politique, ces "Assises" devraient nous renseigner sur les tendances à venir.

Par exemple en Hongrie, c’est sous l’influence du Jobbik, qui prône depuis sa fondation en 2003 la reconquête des territoires de la "Grande Hongrie" perdus depuis le Traité de Trianon en 1920, que le Fidesz au pouvoir fait monter la fièvre nationaliste magyare, ce qui ne manque pas d’attiser les tensions avec la Slovaquie voisine et de marginaliser encore un peu plus les communautés Rom et juive du pays.

De même en France, la criminalisation des immigrés et de leurs descendants, qui est au cœur de l’offensive sécuritaire lancée par Nicolas Sarkozy au cours de l’été, n’est qu’une reprise d’une thématique portée par le FN depuis de nombreuses années.

Il nous faudra donc être attentifs pour combattre dans les mois qui viennent les discours élaborés lors de ces rencontres et pour empêcher leur passage vers les partis de gouvernement.

Ainsi, tant par ce qu’elles représentent que par ce qu’elles ne manqueront pas de produire, ces "Assises" sont un événement politique d’importance, à combattre avec toute l’énergie que donne le désir d’une société débarrassée du racisme.

*Benjamin Abtan est Secrétaire Général de l'European Grassroots Antiracist Movement – EGAM – et Membre du Bureau National de SOS Racisme


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