Dans une résolution adoptée jeudi, le Parlement européen presse la France de « suspendre sur le champ » les expulsions de Roms. Depuis la condamnation, il y a dix ans, de l'Autriche qui avait fait entrer l'extrême droite au gouvernement, jamais la politique d'un pays membre n'avait été aussi explicitement désavouée à Strasbourg. Mais Paris reste de marbre.
Les alliés de l'UMP solidaires du gouvernement
Michèle Striffler, députée du groupe Parti populaire européen (PPE - droite) issue de la Gauche moderne dirigée par Jean-Marie Bockel, a voté contre la résolution et « regrette que le Parlement européen se mêle de politique intérieure française. C'est une première ! L'exclusion sociale des Roms appelle une stratégie communautaire, mais cette résolution des socialistes condamne cette population au statu quo. »
Jean-Marie Cavada (PPE), issu du Nouveau Centre, était également opposé au vote de la résolution : « Pourquoi la France subit-elle l'opprobre de l'Union pour la question des Roms, pendant que l'Italie détruit des campements à coups de bulldozers en banlieue de Rome ? ».
« Le problème, c'est que l'Union européenne n'a pas fait son travail », poursuit Jean-Marie Cavada. « Je veux proposer un statut pour les migrants européens à l'intérieur des frontières de l'Union. Ce statut garantirait leur liberté de migration, mais imposerait des devoirs d'éducation des enfants et d'accès aux soins. L'Europe obligerait les communes à créer des espaces salubres afin que les gens du voyage puissent s'y installer ».
Les eurodéputés ont adopté jeudi matin à Strasbourg une résolution « sur la situation des Roms et la libre circulation des personnes dans l'Union européenne », qui vise de manière frontale la politique d'expulsions menée cet été par le gouvernement français.
Dans ce texte défendu par une alliance des socialistes, des libéraux, des verts et des communistes, et adopté à 337 voix contre 245 (et 51 abstentions), le Parlement européen « presse les autorités françaises de suspendre sur-le-champ ce type de pratique ».
Des résolutions non contraignantes
Il « s'inquiète vivement de la rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire qui a marqué le discours politique au cours des opérations de renvoi des Roms dans leur pays ».
Dans ses résolutions, de caractère purement politique et non contraignantes, le Parlement européen n'a pas pour habitude de viser spécifiquement un Etat membre.
Les eurodéputés ont bien tenté, en 2009, d'exprimer leur désaccord sur la concentration des médias opérée par Silvio Berlusconi en Italie. Ce projet de résolution avait été rejeté à trois voix près.
Mais d'autres résolutions plus anciennes, visant nommément un Etat de l'Union, ont été adoptées : en 2005, l'assemblée s'est déclarée opposée à la banalisation de la surveillance électronique au Royaume-Uni.
Un précédent : l'Autriche de Jörg Haider
Un peu plus tard, le Parlement a également pointé du doigt certaines méthodes de la police espagnole après des attentats au Pays basque.
Et surtout, en février 2000, le succès en Autriche du populiste Jörg Haider, dirigeant du FPÖ, avait ému toute l'Europe. Les députés européens avaient alors voté une résolution condamnant l'Autriche pour avoir admis au sein de son gouvernement des membres du FPÖ.
Un précédent mémorable, qui donne la mesure du vote de jeudi matin. Catherine Trautmann, élue PS au Parlement européen, estimait la semaine dernière :
« Nos collègues européens nous observent. Ils ne comprennent pas comment la patrie des droits de l'homme en arrive à une telle décadence. »
Pour Sylvie Guillaume, une autre élue française du groupe de l'Alliance des socialistes et démocrates (S&D) de l'europarlement :
« Cette résolution est d'autant plus importante qu'elle n'est pas un robinet d'eau tiède : dans des termes explicites, l'assemblée dit que la France ne respecte pas la charte des droits fondamentaux, qu'elle agit contre le droit européen. »
Cette ancienne colistière de Vincent Peillon aux élections européennes de 2009 -la seule française figurant parmi les auteurs du texte adopté jeudi- tient à le souligner également :
« Dans la législature actuelle, le Parlement condamne pour la première fois, nommément, la politique d'un pays. »
La concomitance du vote strasbourgeois et de la visite en Roumanie d'Eric Besson, ministre de l'Immigration, et de Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, serait le fruit du hasard. Reste que la réponse française, depuis Bucarest, ne s'est pas faite attendre : pour Eric Besson, il n'est « pas question » que la France suspende les reconduites.
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