Ils se disent “de gauche”, mais s’affichent avec des mouvements d’extrême droite. Ils s’affirment “laïques” et entendent “combattre le projet politico-religieux de l’islam”.
Les animateurs de Riposte laïque devaient organiser, à l’appel d’une association satellite, Résistance Républicaine, samedi 4 septembre, à Paris et dans plusieurs villes de province (dont Bordeaux, Lyon, Strasbourg et Toulouse) un “grand apéritif républicain de défense de la République laïque contrer l’offensive islamiste”. Ils en entendent aussi commémorer les 140 ans de la naissance de la IIIe République.
A Paris, le rassemblement a fait un flop et n’a réuni qu’une grosse centaine de personnes, encadrées par un important dispositf policier. Parmi la foule, on pouvait reconnaître des militants de l’extrême droite parisienne appartenant au GUD, au FN ou encore aux identitaires.
“On a passé une nuit ensemble, c’était très agréable et on remettra ça”
Créée en 2007, Riposte laïque est un journal, qui paraît sur le Net, et qui regroupe une quinzaine de rédacteurs et, selon les responsables, “500 contributeurs”.
Le 18 juin, avec le Bloc identitaire , un mouvement d’extrême droite, Riposte laïque avait tenu un “apéro géant saucisson pinard” (voir ici, là et encore ici) dans la capitale, réussissant à réunir plusieurs centaines de personnes. Au départ, cela devait avoir lieu un vendredi à 18 heures, rue Myrrah, à la Goutte-d’Or, soit en même temps que la prière musulmane. Finalement, et après interdiction de la préfecture, le fameux “apéro” avait eu lieu à l’Etoile.
Issu de la dissolution d’Unité radicale en 2002 après qu’un de ses militants, Maxime Brunerie, a tiré sur Jacques Chirac, le Bloc identitaire n’est pas, cette fois-ci de la partie. “Ils n’aiment pas trop l’idée du bonnet phrygien. Nous avons des divergences idéologiques importantes avec eux. Nous sommes jacobins, eux régionalistes”, raconte Christine Tasin à l’origine du rassemblement du 4septembre. En tout cas, elle récuse que “les identitaires soient des fachos”.
Bruno Larebière, cadre dirigeant du Bloc identitaire, par ailleurs rédacteur en chef de l’hebdomadaire d’extrême droite Minute, confirme que le compagnonage avec Riposte laïque n’est pas fini. Il résume de façon lapidaire: “On a passé une nuit ensemble, c’était très agréable et on remettra ça.”
Avant leur rapprochement avec les identitaires, Riposte laïque avait déjà fait des appels du pied à l’extrême droite française. Le 18mars, Pierre Cassen, le fondateur, a tenu une conférence au bar de l’ex-skinhead Serge Ayoub, le lieu de rendez-vous de l’extrême droite radicale parisienne.
Le 17juin, dans un entretien donné au site Marianne2 , le même Pierre Cassen affirmait que “dans tout le paysage politique il n’y a qu’une personne qui reprenne le discours sur la laïcité à son compte, c’est Marine Le Pen”. Il nous a d’ailleurs assuré que “Marine Le Pen n’[avait] pas un discours d’extrême droite.» Avant de reformuler: «Elle n’a pas un discours “classique” d’extrême droite.”
“Dérive doriotiste”
Pierre Cassen est “convaincu que les alliances traditionnelles vont exploser. Le vrai clivage c’est la défense de la République face à ceux qui, dans une idéologie mondialiste, veulent faire péter la France.”
M.Cassen a crée Riposte laïque à la suite de différends au sein de l’Union des familles laïques (UFAL) et au journal en ligne Respublica où il militait. Au sein du nouveau média, il ne voulait pas “de gauchistes antirépublicains, anti-flics et pour la régularisationde tous les sans papiers”.
“Des clivages sont apparus à l’UFAL et à Respublica avec Pierre Cassen et ses amis notamment sur la question de l’islam et de l’immigration, se rappelle Nicolas Garvilenko, secrétaire général de l’UFAL et rédacteur en chef de Respublica. Sa conception de la laïcité bannit toute trace de religion dans la société civile.” M.Garvilenko décrit “une dérive doriotiste [du nom de Jacques Doriot , qui, de communiste, a fini fasciste et collaborationniste], mais sans antisémitisme”. Pour Alexis Corbière, élu du Parti de gauche à Paris et militant laïque, le parcours de M.Cassen lui “rappelle Dieudonné. Plus tu lui tapes dessus, plus il se radicalise.”
M.Cassen, qui a milité notamment au PCF, à la Ligue communiste révolutionnaire et à la CGT du Livre, continue de se dire de gauche, même s’il cite en exemple Geert Wilders le populiste islamophobe néerlandais.
“L’islam est le fer de lance et outil de la mondialisation pour casser les solidarités sociales et la République laïque. C’est l’outil anti-social du capitalisme, veut croire M. Cassen. Aujourd’hui, le danger essentiel c’est l’islam. C’est-àdire un projet politico-religieux hégémonique qui ne peut s’accomplir que dans un esprit de conquête.”
Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite et chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques, estime que “l’on est dans une mutation idéologique. L’idée de République n’est de gauche que si elle se connecte avec un projet d’émancipation sociale. Ce n’est pas parce qu’on vient de la gauche qu’on y reste. L’inverse est vrai aussi. Ce qui est gênant, c’est la tentative de faire passer pour une posture de gauche quelque chose qui ne l’est plus.”
NB: Ceci est la version longue et actualisée de l’article paru dans Le Monde daté des 5 et 6 septembre.
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