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dimanche 7 mars 2010

Comment le populisme de droite gagne du terrain aux Pays-Bas

Gert Wilders le 5 mars 2010

Gert Wilders le 5 mars 2010 (REUTERS/Suzanne Plunkett)

Le Parti pour la Liberté (PVV) de Gert Wilders a réalisé une percée importante lors d'élections municipales aux Pays-Bas mercredi. Le parti xénophobe et populiste, qui affirme vouloir «lutter contre l'islamisation des Pays-Bas», présentait des listes dans deux villes uniquement.

Il est arrivé en tête à Almere, cité-dortoir de près de 190.000 habitants, avec 21,6% des voix. A La Haye, troisième ville du pays, il est deuxième. «Ce qui est possible à La Haye et Almere est possible dans tout le pays. C'est un tremplin pour notre victoire», a affirmé Gert Wilders, 46 ans.

A trois mois d'élections législatives anticipées, suite à la chute du gouvernement Balkenende sur le dossier afghan, le politologue Jérôme Jamin, professeur à l'université de Liège et auteur de «L'imaginaire du complot», analyse les spécificités du phénomène Wilders.

Les résultats de Wilders sont-ils significatifs, à trois mois des élections législatives?

Depuis très longtemps, il voulait faire une percée électorale pour tester ses idées et son programme. Ce scrutin municipal pouvait être interprété comme un test, et je pense qu'il y a peu de chances que cette tendance se retourne en quelques mois.

Comme le British National Party, qui par le passé avait mis toute son énergie sur quelques villes, Wilders a sélectionné des localités susceptibles de voter pour le PVV. C'était le problème de la liste de feu Pim Fortuyn. Quand il est décédé, le parti s'est écroulé car il avait peu de relais locaux.

Wilders, pour ces municipales, a fait un choix d'implantation en fonction de la présence du parti et de ses sympathisants. En ce qui concerne la structure de l'électorat (âge, niveau de vie...), il faut rester prudent car on a peu d'éléments pour l'instant.

Où se situe Wilders sur le spectre politique?

C'est un libéral de droite, populiste, mais pas d'extrême droite. L'extrême droite renvoie à un discours ultra-nationaliste contre tous les étrangers. Wilders, lui, se prononce pour l'égalité homme-femme, la défense des homosexuels. Il n'a jamais de discours antisémite.

La dimension populiste est quant à elle très classique. Ce n'est pas la première fois - en Europe comme aux Pays-Bas - qu'un parti tient un discours à la gloire du peuple, contre les élites. C'est une posture hors-système habituelle, avec un rejet des partis en place, accusés d'inefficacité.

L'autre élément, très important chez Gert Wilders, c'est la stratégie originale utilisée pour critiquer l'islam. Un certain nombre de partis populiste de droite ou d'extrême-droite ont compris que la meilleure manière de développer leurs thèses, c'était de ne plus le faire sur un registre xénophobe.

Wilders parvient à articuler son rejet de l'islam dans un registre quasi progressiste et laïc. Il brouille l'analyse. Il utilise par exemple les vieilles idées de l'égalité homme-femme, de défense de la liberté d'expression, contre l'islam. C'est une façon de détourner les valeurs et de les reprendre sous un angle très hostile.

Comment s'attaque-t-il à l'islam?

Il a la capacité de présenter toutes les manifestations de l'islam comme appartenant au même projet insidieux d'invasion. L'islam renvoie pourtant à beaucoup de choses: la culture, l'histoire, la musique, le terrorisme. Mais Wilders, lui, ne veut pas le percevoir comme complexe et multiple. Il l'évoque sur un registre conspirationniste.

Pour lui, il y a une sorte de chef d'orchestre, en Arabie Saoudite ou en Afghanistan, qui cherche à islamiser l'Europe. Ce projet passerait par le voile, par les condamnations à son encontre.

Ce discours est-il suffisant pour envisager d'être porté au pouvoir?

Transformer l'islam en une sorte de cheval de Troie, c'est très bien joué tactiquement. Ce discours est porteur dans une société anxieuse et en crise. D'autant plus que Wilders est aidé par l'histoire récente des Pays-Bas, marquée par deux assassinats (Pim Fortuyn et Theo Van Gogh, ndlr). Enfin, Wilders martèle régulièrement - de manière démagogique et simplificatrice - la supériorité de la culture judéo-chrétienne sur la culture musulmane.

Néanmoins, on dit souvent que les populistes promettent trop de choses. La plupart des mesures proposées par Wilders sont déjà en place, comme le rapatriement des étrangers en situation irrégulière, les lois contre le voile... Wilders risque d'être mis en difficulté s'il arrive au pouvoir, car la société hollandaise a beaucoup changé depuis les deux assassinats; elle est passée d'une situation dite «tolérante» à une attitude plus restrictive.

Des alliances avec d'autres partis sont-elles envisageables?

La plupart des partis politiques ont dit qu'ils n'étaient pas prêts à gouverner avec lui. Mais c'est la première fois que la question va se poser. On est donc devant deux scénarios: la technique du cordon sanitaire, à la franco-belge. Ou alors, Wilders réalise une véritable percée et certains partis pourraient accepter une collaboration. Pour l'instant, je n'ai pas l'impression qu'on soit dans cette dynamique.


Comment le populisme de droite gagne du terrain aux Pays-Bas - Libération: "«Wilders parvient à articuler son rejet de l'islam dans un registre quasi progressiste»"

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