SOS Racisme Partenaire de Quat'rues

samedi 12 décembre 2009

"La police n'a pas vocation à être une force"

Au lendemain des déclarations du ministre de l'immigration et de l'identité nationale, Eric Besson, le président d'une association antiraciste propose une alternative aux contrôles d'identité au faciès.

Président du CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France), Patrick Lozès s'attaque au problème délicat des contrôles d'identité effectué par les policiers et les gendarmes. Pour éviter les contrôles au faciès visant systématiquement les minorités, il propose qu'à chaque fois soit remise à la personne contrôlée une attestation portant son nom et un numéro de matricule du contrôleur.

Le président du Cran, Patrick Lozès, s'attaque au problème délicat des contrôles d'identité.

AFP / GERARD CERLES

Le président du Cran, Patrick Lozès, s'attaque au problème délicat des contrôles d'identité.

Votre proposition fait beaucoup de bruit et n'a pas l'air de convaincre les syndicats de police. Quelle en est l'origine?

La question du contrôle au faciès est une question difficile. Je ne souhaite pas qu'elle soit traitée de façon démagogique. Il ne s'agit pas de mettre en cause l'institution policière, mais simplement de s'aligner sur des pratiques qui ont fait leurs preuves. Ce système d'attestation de contrôle est appliqué en Grande-Bretagne depuis 20 ans. Il existe aussi en Espagne. Dans ces deux pays, il a d'abord servi à raffermir les liens entre la police et la population. Tout le monde l'a ressenti comme une solution constructive.

Comment expliquez-vous les réticences policières?

Un contrôle d'identité n'est pas quelque chose d'anodin. Il n'est donc pas inadéquat que le contrôleur soit contrôlé. Il faut comprendre l'exaspération des victimes de comportements inciviques de certains policiers. Des personnes sont ainsi contrôlées plusieurs fois, alors qu'elles n'ont rien à se reprocher. Les minorités ne sont pas les seules concernées par ces mesures vexatoires , il y a aussi des catégories de la population comme les jeunes. Nous avons recensé des exemples dramatiques, je citerai celui de ce jeune homme. Au retour d'une soirée passée au cinéma avec des amis, il tombe sur une patrouille de police et il est le seul contrôlé du groupe. Résultat: les parents de ses copains interdisent à leurs enfants de fréquenter ce garçon qui a affaire avec la police!

Des policiers soulignent qu'ils ne sont pas responsables des lieux choisis pour les contrôles...

Je ne conteste pas les évidences. Si l'on s'installe dans un quartier parisien comme Barbès, on a plus de chance de trouver des dealers de drogue que des délinquants en col blanc. Ce n'est pas le problème. Il faut simplement arrêter de retenir l'apparence physique comme critère du contrôle, c'est contraire à la déontologie des forces de sécurité. Tout le monde doit être soumis aux mêmes règles. Pourquoi ne pas procèder à la manière des Anglais ? Quand ils mènent une opération de contrôle, un point fixe est choisi et toutes les personnes qui passent par ce point sont contrôlées sans exception.

Craignez-vous de ne pas être entendu par le ministère de l'intérieur?

Nous ne sommes pas seuls. Selon un sondage de l'Ifop commandé par l'association SOS-Racisme, 60% des Français seraient favorables à la mise en place de cette attestation. Nous sommes soutenus par des organisations professionnelles comme le Syndicat de la magistrature ou le Syndicat des avocats de France, mais aussi par la CFDT, SOS-Racisme, la Ligue des droits de l'homme. Je me suis félicité des déclarations d'Eric Besson. Pour une fois, un ministre a admis l'existence des contrôles d'identité au faciès. Il est plus que jamais nécessaire de tirer les conséquences pratiques de ces déclarations, afin que l'Etat à son tour défende le principe d'un contrôle indifférencié et égalitaire.

La mesure que vous préconisez n'est-elle pas trop compliquée à mettre en oeuvre?

L'attestation de contrôle prendra moins de temps à rédiger qu'un procès-verbal pour stationnement interdit. La police n'a pas vocation à être une force, mais un service pour l'ensemble des citoyens. La grande majorité des policiers en est d'accord. J'ajouterai que le fait de se savoir contrôlé incite à renoncer aux comportements inciviques. Au total, cette nouvelle mesure pourrait avoir pour effet de rassurer tout le monde.


"La police n'a pas vocation à être une force": "'La police n'a pas vocation à être une force'"

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