Avec en toile de fond l’immigration et l’identité nationale, Sarkozy ouvre la campagne du parti présidentiel par une contre -offensive idéologique autour de sa politique et son bilan.
Notre sondage exclusif : 78% des Français souligne le rôle des sans-papiers dans l’économie du pays.
« Sans complexe. » Le ton est donné, samedi à Aubervilliers, (Seine-Saint-Denis), par le premier ministre François Fillon. L’UMP, plus que jamais parti présidentiel, réunissait les 2 000 membres de son conseil national pour lancer la campagne électorale des régionales. Pas de place pour l’improvisation, chaque intervenant décline à sa manière le message politiquement habile décidé par l’Élysée qui, répété du matin jusqu’au soir, finit par faire slogan : « La France change, tandis que les régions gérées par la gauche freinent. » La campagne sera donc nationale (« On ne gagnera pas en faisant 22 campagnes régionales », Xavier Bertrand) sous la marque Sarkozy. Le clou sera enfoncé en fin d’après-midi, par Nicolas Sarkozy lui-même. Lequel enterre une nouvelle fois une certaine idée de la République en troquant les habits de chef d’État contre ceux de chef de clan. En réfléchissant à des références du passé, cela fait un peu drôle, et un peu peur…
Une contre-offensive politique et idéologique Alors que les doutes s’installent bien au-delà des rangs du seul électorat de gauche, la droite sarkozyste appelle à « faire front », selon la formule de François Fillon. « Après les régionales, je serai toujours président de la République », souligne Nicolas Sarkozy. Alors à Aubervilliers, plus qu’une tactique conjoncturelle, on a décidé de lancer une contre-offensive politique et idéologique. Inutile de chercher : dans le sarkozysme, tout est bon. À peine consent-on à constater : « On est un peu mouillés mais on pilote le navire. » Consent-on encore à avouer que « le chômage, c’est le point dur ». Tout y passe comme autant de preuves données aux intérêts qu’ils défendent d’une volonté de révolution capitaliste qualifiée de « modernité », de « mutation culturelle et politique » face aux « rigidités », au « conservatisme » que porterait la gauche. Tout y passe : le bouclier fiscal, les droits de succession (« parce que j’aime la famille », dira Sarkozy), les suppressions de postes de fonctionnaires, la défiscalisation des heures supplémentaires, l’autonomie des universités, la réforme des collectivités territoriales, la suppression de la taxe professionnelle, le service minimum, la « démocratie sociale en mutation puisqu’on a brisé le système binaire », « le capitalisme familial ». À la tribune, peu de références au débat sur l’identité nationale ou la chasse aux immigrés : ça, c’est juste la toile de fond identitaire de cette droite et un instrument pour capter le vote Le Pen. Non, avertissement à ceux qui seraient tentés par une prise de distance : l’heure est « au courage d’assumer des choix structurants ». Parmi ceux-ci, Sarkozy se fait une nouvelle fois pédagogue en direction de ceux qui, dans son camp, font mine de ne pas comprendre, plaidant « l’ouverture aux personnalités, mais aussi l’ouverture aux thèmes », exhortant de ne pas rester « dans le seul corpus d’idées traditionnelles de la famille politique ».
La justification emprunte à la méthode Coué : « Cette stratégie nous a réussi aux européennes. » Oubliant que la droite sarkozyste a perdu quatre points entre le premier tour de la présidentielle et les élections européennes. L’envolée idéologique n’empêche pourtant pas les piques tactiques. Ainsi les discours seront-ils émaillés de références à la gauche, en particulier au Parti socialiste et aux Verts. D’abord en plaidant « l’atout unité », opposé aux divisions de la gauche. En renvoyant au PS la responsabilité de faire « monter le Front national » en se positionnant sur la régularisation massive des sans-papiers. « J’ai compris la manœuvre ! » s’exclame Sarkozy quand lui-même met l’administration de l’État au service du débat sur l’identité nationale. Quant aux Verts, la tactique est celle de la triangulation : sous couvert du sommet de Copenhague, on invente le concept « d’écologie populaire », pour mieux siphonner un électorat qui, bien que sensible à l’environnement, ne veut pas de « décroissance ». Plus écolo que l’UMP, tu meurs. Sans complexe, on vous dit.
Dominique Bègles
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