Encouragé par Richard Descoings, directeur de Sciences-Po, Anyss a d'abord raconté cette altercation sur sa page Facebook. Il y explique comment un ami algérien l'a convaincu de se rendre sur les Champs-Elysées pour célébrer la victoire de son équipe sur l'Egypte. Comment, arrivés sur les Champs-Elysées, les choses dégénèrent très vite :
« Des jeunes lancent des bouteilles et des pétards sur les forces de l'ordre. Les habituels casseurs profitent des circonstances pour briser des vitrines et se livrer à des larcins. […] Les forces de l'ordre répliquent, ce qui est normal. »
Les deux jeunes hommes décident de rentrer en voiture à Bondy. Ils stationnent Porte Maillot en attendant un ami. Des CRS sont présents. C'est alors que les choses dégénèrent :
« Des hommes descendent et commencent à donner des coups de matraque à toute personne en dehors de sa voiture. Ils cognent sans raison et sans ménagement sur des gens qui n'ont rien à se reprocher. Ils instaurent un climat de terreur. »
Suit le récit de nombreuses violences policières, auxquelles Anyss et son ami assistent médusés. Puis un CRS s'approche de leur voiture : « Qu'est-ce que tu regardes, dégage, dégage ! » Réplique de l'étudiant :
»« Je regarde devant moi, je connais mes droits, je suis étudiant à Sciences Po. » Réponse : « J'emmerde Sciences-Po ! » Je lui fais observer que je suis poli avec lui et qu'il n'a pas à utiliser un tel langage. Il coupe court : « Ferme ta gueule ! »
Son collègue me pulvérise sur le visage un gel lacrymogène. […] C'est une agression gratuite. […] J'ai la sensation d'agoniser. Mon ami est dans le même état. On me dit : « Dégage sale Arabe. » […] Quand il y a des manifestations de ce type on se retrouve comme un ennemi dans sa propre République. Or les seuls points communs entre un casseur et moi, c'est qu'on est tous les deux français et qu'on a tous les deux le teint bronzé. »
Le soutien de Dominique de Villepin
Suite à la publication de ce témoignage à la Une de Libération, Anyss a reçu par mail le soutien de Dominique de Villepin. Il l'avait rencontré à la fin de son année de terminale, comme d'autres jeunes de banlieue reçus à Matignon. Il avait dit au Premier ministre : « Comme vous, je veux faire Sciences-Po et l'Ena. » En quatrième année à Sciences-Po, passé par la convention ZEP, il fait aujourd'hui partie du club lancé par Villepin.
Plus étonnant, Anyss dit avoir été contacté par le cabinet d'Eric Besson, le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale ayant exprimé son souhait de le rencontrer. Il n'a pas encore donné suite, comme il l'explique à la caméra de Sciences-Po TV. (Voir la vidéo)
Par son témoignage, Anyss espère lancer le débat sur la discrimination dont sont victimes les jeunes de banlieue :
« Changer le discours sur les personnes issues de l'immigration. Il y en assez que l'on parle de la burqa, du voile. Ce sont des phénomènes marginaux en banlieue qui concernent très peu de personnes. Les vrais problèmes sont la discrimination, le chômage en banlieue, l'égalité des chances […]. Il faut recentrer le débat sur l'identité sur les problèmes qui nous concernent vraiment ».
Le jeune homme envisage aujourd'hui de porter plainte. Il devrait être invité du Grand Journal de Canal + ce mardi soir aux côtés de Rachida Dati et des députés devraient interpeler le gouvernement jeudi à l'Assemblée. Conclusion tout de même positive de toute cette affaire :
Le cabinet de Besson contacte le "sale Arabe" de Sciences-Po | Rue89: "Le cabinet de Besson contacte le « sale Arabe » de Sciences-Po"« Ça m'a beaucoup motivé pour mener des combats politiques à l'avenir. J'ai toujours aimé la politique ce n'est pas aujourd'hui que ça va changer. »
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