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lundi 20 avril 2009

Expulsions : Besson se trompe d’objectif - Libération

Dimanche 29 mars, Eric Besson tentait de justifier son objectif 2009 de 27.000 reconduites à la frontière de clandestins : «l’objectif est basé sur des estimations, département par département, de personnes en situation irrégulière. Est-ce que vous croyez que tous les pays européens ne font pas la même chose?» Double intox."

Intox

Eric Besson, nouveau ministre de l’Immigration, s’est lancé dans un ardu chantier de com': insister sur l’humanité de la politique française en matière d’immigration. Mais le transfuge du PS doit pour cela assumer la politique sarkozienne du chiffre, et l’objectif qui lui a été assigné de reconduire à la frontière 27 000 clandestins en 2009. Le 29 mars, sur Europe 1, Besson en niait le caractère arbitraire et le justifiait ainsi: «Le chiffre n’est pas tombé du ciel. Il est basé, département par département, sur des estimations des personnes en situation irrégulière.» Et de poursuivre : «Est-ce que vous croyez que d’autres pays européens ne font pas la même chose? N’avez-vous pas vu la polémique en Espagne, avec des critères plus exigeants et des objectifs plus exigeants ? Tout le monde fonctionne de la même façon.»

Désintox

Première contre-vérité : tout le monde ne fonctionne pas de la même façon. On ne trouve nulle trace d’objectifs chiffrés chez les voisins. Ni en Italie, ni en Allemagne, ni au Royaume-Uni. Quant à l’Espagne, que cite Besson, elle est certes actuellement le théâtre d’une vive polémique, mais pour des raisons différentes : les commissariats, selon la presse, se sont vu confier des objectifs en matière d’arrestations d’étrangers illégaux. Mais aucun objectif national en terme d’éloignement du territoire n’est pour autant affiché. Au contraire, le gouvernement espagnol réfute farouchement toute politique de quotas. Deuxième mensonge de Besson : l’objectif de 27 000 reconduites à la frontière ne découle pas de l’addition des clandestins dans chaque département. Il y a une forme d’habileté à présenter l’objectif d’expulsions comme correspondant au nombre d’irréguliers, et donc échappant à l’arbitraire administratif. «Mais c’est faux, affirme Damien Nantes, responsable du service Défense des étrangers reconduits à la Cimade. On n’a aucune statistique fiable sur le nombre d’étrangers en situation irrégulière en France, et encore moins pour chaque département.» Un paradoxe ruine l’argumentaire de Besson : depuis 2005, les objectifs d’expulsions augmentent (de 20 000 à 27 000) alors que le gouvernement assure (sans être capable d’en apporter la moindre preuve) que le nombre de sans-papiers en France (estimé entre 200 000 et 400 000) diminue.

«L’objectif ne repose sur rien, et ne sert qu’à dire à la fin de l’année : on mène une politique efficace», dénonce Patrick Weil, chercheur au CNRS. Avis partagé par Thomas Hammarberg, commissaire européen aux Droits de l’homme. Dans son memorandum consacré à la France et daté du 20 novembre, il appellait Paris à ne plus recourir aux objectifs chiffrés, argumentant ainsi : «Depuis 2005, les autorités françaises ont pris la décision de déterminer en début d’année le nombre d’étrangers irréguliers qu’il convient d’éloigner volontairement ou non avant le 31 décembre. Cet objectif est passé de 20 000 reconduites en 2005 à 26 000 pour l’année 2008. Les autorités reconnaissent toutefois qu’elles ne pourront pas par ce biais mettre un terme à la présence d’étrangers irréguliers sur le territoire français. La détermination de cet objectif quantitatif semble donc plus dépendante de la capacité supposée de l’administration à les atteindre que de la volonté de faire disparaître un tel phénomène»

Cette «logique» confine parfois à l’absurde. En septembre 2007, alors que le rythme des reconduites à la frontière est en deçà de l’objectif annuel, Brice Hortefeux, alors ministre de l’Immigration, convoque une quinzaine de préfets. Le résultat passe par une explosion de départs dits «volontaires» des Roumains et de Bulgares. Les camps de Roms sont investis, des convois de retour au pays en groupe sont organisés. Les «retours volontaires», qui se montaient à 913 sur les huits premiers mois de 2007, frôleront les 5 000 fin décembre. Scénario inverse en 2008, où le grand nombre de reconduites à la frontière au premier semestre (17200) est suivi d’un ralentissement notable sur les six derniers mois (à peine plus de 12 000), l’objectif ayant déjà été atteint.

Brice Hortefeux semblait assumer plus facilement que son successeur le caractère arbitraire des objectifs chiffrés. Lors d’une audition en commission parlementaire en octobre 2008, il disait: « Si nous fixons des objectifs chiffrés, c’est pour rendre le message compréhensible. Quand une autorité dit : "Attention, si vous venez sans y être autorisé, sans respecter notre législation, cela risque de mal se passer", le message est inaudible. Mais si elle dit : "Si vous venez sans nous demander l’autorisation, 25 000 d’entre vous repartiront", alors, le message est compris.» Expulsions : Besson se trompe d’objectif - Libération

Sur le même sujet :

-Les orientations de la politique de l'immigration

-Lettre de mission du Président de la République et du Premier ministre à Eric Besson

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