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vendredi 30 janvier 2009

25 ans de réclusion pour le meurtrier de Chaïb Zehaf

La cour d'assises du Rhône a condamné vendredi Jean-Marie Garcia à 25 années de réclusion criminelle pour le meurtre, en mars 2006, de Chaïb Zehaf, sans qualifier ce crime de raciste.

Les jurés ont suivi les réquisitions de l'avocat général, qui avait réclamé jeudi au moins 25 ans de réclusion criminelle, estimant que la victime avait été 'abattue' sans raison, mais qu'aucune preuve ne permettait de qualifier ce crime de raciste.

M. Garcia, qui n'a pas réagi à l'énoncé du verdict, a en outre été condamné à dix ans de suivi socio-judiciaire après sa sortie de prison. A l'ouverture de l'audience, il avait déclaré 'regretter sincèrement' son geste. 'Si, jusqu'à présent, je n'ai pas demandé pardon, c'est parce que je me sens trop indigne, je me sens comme une merde', avait-il dit.

L'accusé encourait la réclusion criminelle à perpétuité, les jurés ayant retenu comme circonstance aggravante le fait que le meurtre avait été suivi d'une tentative de meurtre sur le beau-frère de la victime. En revanche, à la question de savoir si ce meurtre pouvait être considéré comme raciste, ils ont répondu non. "J'ose espérer que la cour aura permis d'atténuer la douleur", a expliqué le président de la cour, Georges Cathelin, évoquant le débat "autour de la question du racisme" ouvert à l'occasion de ce procès.
Des témoins tels que le philosophe-essayiste Bernard-Henri Lévy ou le président de SOS-Racisme Dominique Sopo, y avaient été cités par les parties civiles. De fait, les avocats de la défense comme des parties civiles, de même que Loïc Rigaud, responsable départemental de SOS-Racisme, ont tous salué la tenue des débats.

Le 4 mars 2006, devant une brasserie d'Oullins, dans la banlieue de Lyon, où ils avaient passé la soirée, Jean-Marie Garcia avait tiré à trois reprises sur Chaïb Zehaf, dont une fois "à bout touchant appuyé" sur le sommet du crâne. - LYON (AFP)

Procès d'Oullins : Garcia écope de 25 ans de réclusion

Exceptionnellement, le président de la cour d'assises a pris le temps d'expliquer une décision, que les jurés n'ont pas à motivé. Les siens ont condamné Jean-Marie Garcia a vingt-cinq ans de prison pour le meurtre de Chaïb Zéhaf, mais n'ont pas retenu la circonstance aggravante du racisme. "Le racisme est une chose trop grave", a indiqué Heorges Cathelin, pour être retenu avec des preuves insuffisantes. La salle a écouté en silence. Jean-Marie Garcia aussi. Un peu plus tôt, il avait exprimé ses profonds regrets à la famille, expliquant qu'il se sentait "trop indigne" pour leurs parler directement, ou seulement les regarder. Ce procès très pédagogique aura montré un homme assez vrai devant ses juges, mais tout en violence contenue...

Au premier jour d'audience, pour évoquer Jean-Marie Garcia, son ex-compagne parlait d'un homme « gentil », « bosseur », « fort », « intelligent », lorsqu'il était sobre. Seulement il ne l'était pas souvent. Alcoolique depuis l'adolescence, il n'avait pas le droit de rentrer chez eux lorsqu'il était saoûl. Alors il dormait souvent dans la voiture, devant la maison. Elle ajoute que lorsqu'il avait bu, plus rien ne semblait compter. Et le procès qui s'est tenu toute la semaine devant la cour d'assise du Rhône a montré comment une enfance en souffrance (lire) puis l'alcool avait transformé cet homme en loque, puis en tueur.

Depuis le crime, la prison a sevré Jean-Marie Garcia. Il confie qu'il souffre, qu'il porte le fardeau de son meurtre. Au procès, il est resté le plus souvent dans l'abattement, la repentance. Plié en deux sur son banc, ou répondant dans souffle, un murmure, lorsque le président l'interrogeait sur son enfance. Il chuchotait presque, mettait du temps à répondre aux questions les plus simples. Mais si un avocat ou un magistrat le contrariait, l'accusé incapable de supporter l'autorité se braquait, se faisait frondeur, ironique, parfois drôle. Alors qu'un avocat venait de lire un témoignage défavorable, il a répondu lundi dans une moue méprisante : « Les faits sont bien exposés, maître. C'est magnifique ! » Puis comme un autre lui demandait le sens d'une réponse : « Comprenez comme vous voulez, Monsieur ». Cela pouvait sembler de l'arrogance, de la toute puissance. Mais Garcia retournait ensuite à son abattement, plié en deux sur son banc.

Semblant l'avoir saisi d'emblée, le président Cathelin lui parlait doucement, ne le braquait jamais. Le procureur général, lundi Jean-Olivier Viout, a tenté en revanche, dans les premiers jours de le pousser dans ses retranchement. Le magistrat voulait savoir d'où venait le véritable arsenal retrouvé chez lui. « Je n'ai pas l'instention de vous répondre », a-t-il dit. Puis comme le procureur insinuait que malgré ses 2,10 grammes au moment du meurtre, Garcia restait maître de ses actes, ce dernier a répliqué, menton relevé : « Monsieur le procureur, je vous invite à monter à 2,10 grammes ce soir. Vous verrez bien si vous n'êtes pas dans un état de confusion ». Le président, pince sans rire, a désamorcé l'accusé : « Monsieur Garcia, ne donnez pas de tels conseils à Monsieur le procureur général ».

Garcia est intelligent. Il a saisi les enjeux du procès, n'a refusé que la thèse du racisme, admettant tout le reste. Il a parlé de l'alcool, sa « béquille », son « Prosac ». Des armes, sa passion. L'audience a semblé révèler un homme qui investissait un rôle lorsqu'il sortait avec ses armes. Pour tirer sur ses victimes, le 4 mars 2006, il tordait son poignet, braquant son pistolet à la façon de Quentin Tarentino. Un geste que l'on retrouve de plus en plus souvent dans les reconstitutions, selon un expert.

Au fil des audiences, Jean-Marie Garcia disparaissait dans son box. Il ne s'est durablement relevé que mercredi, pour écouter le témoignage de Bernard-Henri Lévy, les yeux fixes et le front plissé. Puis après le départ du témoin, a dit qu'il s'était senti écrasé comme un insecte. Comme une façon inconsciente de répondre à l'écrivain qui avait beaucoup insisté sur un propos de Jean-Marie Garcia comparant devant un expert ses victimes à des "scorpions". L'animalisation de l'autre est toujours un signe de racisme, estimait Bernard-Henri Lévy.

Le procès a battu en brèche l'hypothèse d'un Garcia consciemment raciste, tout en laissant déffinitivement sans réponse la thèse improuvable d'un racisme inconscient, d'une détente appuyée de tout le poids des représentations. Les audiences auront en revanche révélé toute la violence potentielle de Garcia. Dès le premier jour, le procureur général a lu à l'audience une lettre envoyée par Garcia au plus jeune de ses fils, pour lui dire qu'il était au courant que « maman a un nouveau mec », que chaque jour des « potes » à lui sortaient de prison, que leurs poings pourraient remplacer les siens. Que s'il n'était pas « gentil », le compagnon finirait « dans un coffre de voiture ». La lettre contenait aussi des insultes à son ex-femme. Le magistrat ne les a pas lues à l'audience.

La description du meurtre a ensuite permis de préciser ce que l'instruction avait négligé : l'ordre de tir, et surtout le fait que le dernier, à bout touchant, ressemblait à une véritable exécution. Il explique en partie la lourdeur de la peine. Garcia a achevé sa victime alors qu'elle se trouvait au sol. Une « exécution », murmurait un magistrat. Elle explique en partie la durée de la peine, réservée d'ordinaire aux assassins plus qu'aux meurtriers.

OLIVIER BERTRAND - Libélyon

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