SOS Racisme Partenaire de Quat'rues

vendredi 16 septembre 2011

Les « identitaires » s'affichent sans complexe

Le Bloc identitaire tient ce week-end son « université de rentrée », en Provence. Depuis deux ans, l’organisation xénophobe multiplie les provocations. Les militants antiracistes lyonnais dénoncent même une forte augmentation des violences attribuées aux groupes d’extrême droite.

« Apéro saucisson pinard », « marche des cochons », envahissement d’un Quick Hallal... depuis deux ans les provocations se multiplient en France. Pire : dans plusieurs villes les violences à caractère raciste et contre les militants antiracistes sont en recrudescence. Un mois et demi après l’attentat d’Oslo, le Bloc identitaire, figure de proue de l’extrême droite « identitaire » tient ce week-end son « université d’été » dans la région de Marignane. Et l’organisation n’hésite pas à communiquer sur l’événement, comme si ses thèses étaient devenues respectables.

C’est à ce mouvement « du combat identitaire » que nous devons notamment la marche des cochons qui aurait du se tenir au mois de mai dans les rues de Lyon, contre « l’islamisation de la France ». Annulé in extremis par la préfecture sous la pression des associations locales, la marche s’est transformée en « rassemblement pour la liberté » (sic). 500 personnes se sont réunies mêlant, pour faire le nombre, des groupes néo-nazis aux jeunes du Bloc identitaire. En fin de cortège des restaurants kebabs ont été saccagés et les participants se sont brièvement confrontés à une poignée de militants antiracistes. « Des groupes d’identitaires sont ensuite allés sur les pentes de la Croix rousse [sur les hauteurs de la ville], se souvient un militant de SOS Racisme Rhône [1]. Jusqu’à 2 heures du matin, ils ont multiplié les agressions. Nous avons recueilli des témoignages de personnes traumatisées qui ont subis des menaces de jeunes qui voulaient leur tracer des croix gammées sur la peau au couteau. »

Lyon, 14/05/2011 : « Rassemblement pour la liberté »


La nouveauté à Lyon vient du fait que des mouvements « identitaires » ont désormais pignon sur rue. Des groupes posent notamment problème parmi les supporters de l’Olympique lyonnais et plusieurs faits de violence auraient récemment impliqué des hooligans proches de l’extrême droite d’après les témoignages de militants antiracistes. La mairie de Lyon, qui peine à faire obstacle à l’implantation de ses groupes, a du recourir à des questions de normes administratives pour obtenir la fermeture - temporaire - d’un local proche du stade de Gerland.

Un autre local a été ouvert en octobre 2010 dans le vieux Lyon par le groupe Rebeyne ! une filiale lyonnaise du Bloc Identitaire. Des cours de self defense et des matchs de boxe y sont organisés. « Depuis qu’il y a ce local, un climat de peur s’est installé dans le quartier de St Jean, raconte un militant antiraciste. Nous avons constaté une très nette augmentation des violences racistes ou contre les militants antiracistes. » Sur place, les militants dénoncent la réponse trop timorée de la préfecture.


Bruno Gollnisch reprend ses cours


La ville de Lyon est coutumière de ce type d’opérations d’intimidation. Depuis plusieurs années, les identitaires ont constitué des groupes avec un petit pouvoir de nuisance. « Ils recrutent beaucoup aux alentours de la ville, comme dans les Monts du Lyonnais par exemple, où il existe un noyau de racisme très fort chez les jeunes. Beaucoup grandissent en s’identifiant aux thèses identitaires » raconte un militant lyonnais du Collectif 69 de vigilance contre l’extrême droite créé il y a un an et demi. Lyon a aussi ses « théoriciens » de l’extrême droite – Bruno Gollnisch et une douzaine d’universitaires d’après un rapport de 2004 [2] – qui officient notamment à l’université Lyon III. « Ils arrivent à fasciner certains de leurs étudiants », regrette Jean-Louis Touraine, député du Rhône et 1er adjoint à la mairie de Lyon. L’ex numéro deux du FN, interdit de cours pendant 5 ans, fera d’ailleurs son retour dans les amphithéâtres à compter du 12 septembre.

Lyon, 14/11/2004 : des militants des Jeunesses identitaires manifestent contre l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.


Mais les identitaires s’inscrivent dans un « niveau de discours différent » du Front National d’après Jean-Yves Camus, politologue spécialiste des extrémismes en Europe. Plus régionalistes que nationaliste, très virulent envers la classe politique y compris contre les militants frontistes, ils ne s’embarrassent d’aucun faux-semblant sur le fond xénophobe de leur pensée. « Les nouvelles générations de militants identitaires sont issues de la classe populaire. Ils ont un discours très simplificateur hérité de la culture télévisuelle dans laquelle la classe politique est décrédibilisée, explique Jean-Yves Camus. Ce sont aussi des enfants de la crise qui ont grandi dans une période compliquée vis-à-vis de la question du multiculturalisme ».

Extrême-droite décomplexée

Depuis que Nicolas Sarkozy a musclé son discours envers les étrangers, et avec l’apparition de la Droite populaire qui a, elle aussi, organisé son « apéro saucisson et pinard » dans les locaux de l’Assemblée nationale, les identitaires se sentent pousser des ailles : « Les sorties de la droite parlementaire ont décomplexés des gens qui n’étaient pas complètement racistes ou xénophobes mais qui nourrissent ce type de rancœur, analyse Jean-Louis Touraine. Ils restent peu nombreux, mais ils ont grossis leurs rangs et se sentent plus libres aujourd’hui de s’exprimer. »

Le Bloc Identitaire tente actuellement de rassembler les parrainages nécessaires à une candidature dissidente du Front National en 2012, derrière Arnaud Gouillon. Mais l’hypothèse est plus qu’improbable. Le mouvement s’est aussi éloigné de Riposte Laïque avec qui l’apéro saucisson pinard avait été organisé en juin 2010. « L’événement n’a d’ailleurs pas été reconduit en 2011, observe Jean-Yves Camus. Je ne suis donc pas persuadé que le mouvement soit dans une grande dynamique de grossissement. Le Bloc Identitaire représente 500 à 600 militants au niveau national, l’enjeu pour eux est de jouer un rôle d’aiguillon idéologique. Ils restent dans un "militantisme d’intervention" et cherchent à s’adresser à une population jeune, notamment via le cyber activisme. »

- Ajout lundi 12 septembre 10 h : Arnaud Gouillon a annoncé dimanche 11 septembre le retrait de sa candidature à la présidentielle, « pour des raisons financières ». « Nous allons poursuivre le combat sous d’autres formes démocratiques dont certaines, j’en suis certain, en surprendront plus d’un dans les mois à venir ! » promet le militant de 25 ans.


Photos : AFP / Philippe Merle, Jean-Philippe Ksiazek

Lire aussi sur Politis.fr

Le Baromètre des dérapages racistes de l’UMP (accès libre)

Là, non, billet de Sébastien Fontenelle (accès libre)

Une brillante réponse à l’islamophobie (accès abonnés)

Tout à droite de l’extrême droite (accès abonnés)

Ailleurs sur le web :

Le Festival antiraciste Melting Potage organisé chaque année dans les Monts du Lyonnais se tient samedi 10 septembre.

Des violences lyonnaises d’extrême-droite à celles de Norvège (Rebellyon.info)

L’étrange affaire de Saint-Andéol : la cour d’Assises de Lyon a jugé en février 2010 une affaire de meurtre d’un gendarme, impliquant un ancien militaire qui tentait de voler des armes dans un stand de tir à Saint-Andéol-le-Château, à 25 km de Lyon. L’enquête met au jour l’existence d’un groupuscule d’extrême droite.

Consulter l’excellente carte interactive de la blogosphère politique sur lemonde.fr. Le Monde référence 134 sites influents à l’extrême-droite, soit 12,9% des sites politiques importants. Le même pointage en 2009 et 2007 dénombrait 77 sites (7% de la blogosphère).

Le blog du Collectif 69 de vigilance contre l’Extrême-Droite

Notes

[1] Il a souhaité conserver l’anonymat

[2] Commission sur le racisme et le négationnisme à l’université Jean-Moulin Lyon III, Henry Rousso


Les « identitaires » s'affichent sans complexe - Politis

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire