Une enquête va être menée auprès des professionnels de l'immobilier et de particuliers mettant leur bien en location. De faux-clients vont traquer les pratiques discriminatoires. C'est un cas unique en France selon la Halde.
C’est une expérience unique en France qui va être menée à Villeurbanne. La ville parraine un testing qui sera exécuté sur son territoire pour évaluer les pratiques de discrimination à la location de logements. Dix-huit critères donnent lieu à ces faits condamnés par la loi, parmi lesquels l’origine ethnique, la situation de famille, la santé, le handicap, l’âge, la religion. La discrimination peut se nicher à différentes étapes, comme l’a rappelé Marie-Christine Cerrato, chargée de mission à la ville : l’accueil du client, la visite de l’appartement, le dossier à remplir, la sélection du dossier. Ou dans le simple fait de donner une réponse à la personne que l’on veut léser, une semaine ou quinze jours après.
"Pas un testing judiciaire"
Pour mettre en évidence ces agissements, plusieurs faux candidats vont répondre à une même annonce. « Ce sont des candidatures comparables en tous points. Ne va varier qu’un seul critère potentiellement discriminant », précise Eric Cediey, directeur d'ISM Corum, chargé de réaliser l'enquête. Cette association villeurbannaise refuse de donner trop de détails à l’opération, pour que l’effet de surprise ne soit pas gâché. Tout juste sait-on qu’une centaine d’offres de logements seront visées, équitablement réparties entre des particuliers mettant leur bien à la location et des professionnels, agences ou régies. Les résultats seront dévoilés au printemps prochain.
Ce testing, la ville le veut pédagogique et en aucun cas stigmatisant pour les personnes épinglées. Ainsi les résultats resteront anonymes. Au moment de lancer cette initiative ce mercredi, le maire Jean-Paul Bret s’est montré très mesuré. Pas de réquisitoire fiévreux contre le racisme, le sexisme ou l’homophobie. « On peut faire de la discrimination sans le savoir », a-t-il même affirmé. Selon la ville, certains acteurs du logement social, dans un souci de mixité, souhaitent par exemple éviter les "concentrations ethniques " et mettent en œuvre ce type de critères, sans être pourtant suspects de racisme. Bret marque la différence avec les « testings judiciaires » : « Il s’agit alors de dénoncer et de punir » quand l’objectif est ici « de sensibiliser et d’informer ». « C’est la bonne démarche, soutient Marisa Laï-Puiatti, déléguée régionale de la Halde. Au lieu de stigmatiser le méchant bailleur social, on est en train de créer les conditions pour faire changer les comportements de chacun ». Saisie de 15.000 réclamations chaque année, la Halde ne recense que 6% de dossiers qui concernent le logement. Pourtant, en 2008, un testing avait été conduit à Lille et en région parisienne : 50% des professionnels avaient des pratiques discriminatoires qui auraient pu les conduire devant les tribunaux.
Peine encourue : trois ans de prison
La FNAIM qui représente les agences immobilières est prête à s’engager. Elle a par exemple fait en sorte que les mandats de gestion – le document par lequel le propriétaire délègue la gestion de son bien au professionnel - rappellent la peine encourue en cas de pratiques illégales : trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. « Le principal souci du client, c’est la régularité des paiements », souligne le professionnel. Comprendre : il ne devrait avoir que faire de l’âge, la couleur de peau ou l’orientation sexuelle ; c’est la fiche de paie qui doit présider à son choix. Mais comme il l’explique, certains détenteurs de biens souhaitent être associés au choix. Dans ce cas, l’agent leur soumet quelques dossiers et la décision finale leur revient. C’est donc tout un travail de pédagogie qu’il faut mener, en direction des agents immobiliers, des propriétaires et aussi des locataires.
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