Un habitué des stades de foot aurait pu se croire à l'une de ces soirées où virage nord et virage sud se répondent en chœur avec un écho assourdissant. A une différence près : ici, c'était pour s'insulter la majeure partie du temps dans une ambiance sacrément surréaliste, pour un résultat complètement stérile.
Vers 19 h 30 hier soir, 300 défenseurs des homosexuels débarquent à proximité de la place Saint-Jean pour leur « kiss-in » (embrassade géante) contre l'homophobie. Ils trimballent des pancartes aux slogans (év)angéliques (« aimez-vous les uns les autres ») ou soixante-huitards (« il est interdit d'interdire ») mais n'iront pas plus loin : gendarmes mobiles et CRS leur barrent l'accès au site pour éviter l'affrontement avec la centaine de jeunes catholiques ultras et de militants proches de l'extrême droite qui ont pris place sur le parvis.
Eux-mêmes se retrouvent vite tenus à distance par un cordon de policiers. Alors, des deux côtés de la barrière, on donne de la voix. Oreilles chastes s'abstenir. « Assez, assez, de cette société qui ne respecte pas les trans, les gouines et les PD ! », scandent les uns. « Ça suffit, cathophobie ! », répond le groupe de catholiques ultras dont s'extrait un militant en brandissant un crucifix, sous les huées de l'autre camp. « Deux planches, trois clous, il l'a fait, pourquoi pas vous », chantent les homos.
« Première, deuxième, troisième génération : nous sommes tous, des enfants d'hétéros », répliquent les autres, avant de réciter le chapelet, les genoux au sol et de crier « Saint-Jean est à nous », un drapeau jaune et blanc du Vatican fièrement déployé à leurs pieds. « Europe, jeunesse, chrétienté », hurlent des militants le bras droit tendu vers l'avant. Réplique à 20 heures : des manifestants anti-homophobie escaladent la fontaine au centre de la place et y déploient un drapeau multicolore. Acclamations autour d'eux. Des couples de lesbiennes s'embrassent et ça crie « vade retro les fachos ».
Du côté des jeunes catholiques, on fulmine : « Qu'ils [les manifestants homosexuels-NDRL] s'en aillent ailleurs et cessent leurs provocations : ils se trompent d'ennemi, l'Eglise condamne les actes [homosexuels-NDLR], pas les personnes ! » Les minutes passent et personne ne cède. Derrière la grande banderole « L'homophobie tue, libre d'aimer partout », David Souvestre, président de la Gay Pride de Lyon, tient bon : « Notre manif est autorisée, pas la leur. Je ne vois pas en quoi c'est choquant de s'embrasser sur une place publique ! Et nous recommencerons l'an prochain, surtout si le cardinal Barbarin ne condamne pas les gestes que l'on a vus en face. »
A 21 h 30 pourtant, l'ordre d'évacuation tombe. Les forces de l'ordre commencent par les défenseurs des homosexuels. Sur le parvis, les cathos ultras sautent de joie. Mais leur victoire symbolique sera de très courte durée. Match nul !
Nicolas Ballet
Deux interpellations après une évacuation musclée
Deux personnes, parmi des manifestants catholiques extrémistes, ont été interpellées hier soir vers 22 heures pour rébellion. Les forces de l'ordre - environ 80 CRS et gendarmes mobiles - ont dû procéder à l'évacuation manu militari, et à coups de bombes lacrymogènes, des deux « camps », après un ordre de dispersion tombé à 21 h 30. Si les défenseurs des homosexuels se sont inclinés sans ciller, quittant vite les lieux, de jeunes catholiques et des militants proches de l'extrême droite ont, pour la plupart, opposé une forte résistance.
Les CRS et gendarmes mobiles les ont délogés par la force du parvis de la cathédrale, avant de tirer plusieurs grenades lacrymogènes dans la rue Saint-Jean pour les éloigner. Des chaises ont été jetées en l'air mais il ne semble pas y avoir eu de dégâts.
N. B.
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