Les propos du sénateur UMP, hostile à la désignation de Malek Boutih, suscitent l'indignation du PS et de SOS Racisme.
Le président du groupe UMP au Sénat, Gérard Longuet, estime que Malek Boutih n'a pas le profil idéal pour diriger la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Lors de l'émission « Questions d'info » sur LCP et France Info, il a jugé que Boutih, qui est pressenti pour succéder à Louis Schweitzer, n'était pas « le bon personnage ». Il estime qu'il faut à ce poste un « symbole du corps français traditionnel ». Par exemple, « Schweitzer c'est parfait, un vieux protestant, parfait » :
« Malek Boutih est un homme de grande qualité mais ce n'est pas le bon personnage parce que la Halde, cela veut dire que c'est la France qui s'ouvre aux populations nouvelles.
Schweitzer, c'est parfait ! Un vieux protestant, parfait ! La vieille bourgeoisie protestante, parfait ! […] parce que il vaut mieux que ce soit le corps français traditionnel qui se sente responsable de l'accueil de tous nos compatriotes.
C'est à dire, si vous voulez, les vieux Bretons et les vieux Lorrains -qui sont d'ailleurs en général italiens ou marocains- doivent faire l'effort sur eux-mêmes de s'ouvrir à l'extérieur. Si vous mettez quelqu'un de symbolique, extérieur, vous risquez de rater l'opération. La symbolique, c'est que c'est la France qui doit s'ouvrir à l'extérieur. » (Ecouter le son)
Le PS a aussitôt condamné les propos de Gérard Longuet, Harlem Désir, numéro deux du parti, se déclarant « scandalisé » :
« Ces propos sont, bien plus qu'un dérapage, une véritable théorie raciale totalement contraire à l'idée de la Nation républicaine et à l'égalité des droits entre les citoyens de toutes origines. »
Le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon a par la suite fustigé cette « remarque d'un autre siècle » :
« Il n'y a plus de hasard. Cette famille politique est malade de son rapport au Front national. »
Sarkozy voulait en finir avec la droite « gros rouge qui tache »
A quelques jours des régionales, la majorité n'avait pas besoin d'une nouvelle polémique. Depuis que Nicolas Sarkozy et François Fillon ont clos le débat sur l'identité nationale, le nombre de dérapages dans la majorité a considérablement décru. Le mot d'ordre élyséen du « gros rouge qui tache » n'est plus de mise.
Malek Boutih est l'ancien président de SOS racisme. L'association dénonce avec virulence les propos de Longuet dans un communiqué, en faisant allusion dans le titre de ce dernier (« M. Longuet retrouve sa jeunesse ») sur les origines idéologiques de ce dernier : Longuet est en effet un ancien militant du mouvement d'extrême droite Occident.
« M. Longuet a tenu des propos indignes d'un élu de la République. La vision véhiculée par M. Longuet qui qualifie M. Boutih “d'extérieur” à la France montre la conception ethnique qu'il s'en fait et qui rappelle la France de Maurras, en contradiction avec la France républicaine qu'il est censé incarner. »
« Un point de vue contestable, mais un vrai raisonnement »
Chercheur à l'Iris et blogueur sur Rue89, le spécialiste de l'extrême droite Jean-Yves Camus commente :
« Son point de vue est éminemment contestable, mais c'est une vision des choses qui n'est pas si négative que ça, puisqu'il rappelle qu'il n'y a pas de Français de souche »
Selon lui, la sortie de Longuet n'a rien d'un accident :
« C'est un vrai raisonnement. Il semble considérer que la lutte contre les discriminations, c'est aux Français représentatifs de la majorité sociologique de la représenter, pas ceux qui subissent ces discriminations.
Or, c'est impossible de définir la majorité : sociale, religieuse, ethnique ? En droit français, ça ne tient pas. Lorsqu'on nomme quelqu'un à la tête d'une institution, c'est en fonction de ses compétences, pas de ses origines.
C'est clivant de dire qu'il y a une majorité et une minorité. rien ne justifie cette sortie. D'autant que les protestants sont une hyper minorité, davantage que les musulmans.
Ça démontre le malaise à droite sur la question de l'identité et l'inanité de vouloir définir une identité nationale. C'est un épisode de plus dans la guerre des définitions identitaires… »
Face aux protestations, Longuet précise sa pensée
Faut-il voir dans cette déclaration une réminiscence du passé de Longuet à Occident ? Jean-Yves Camus estime cette piste hasardeuse :
« A Occident et à Ordre nouveau, il y avait des Français d'origine étrangère. A commencer par Devedjian et Novelli. Occident tenait surtout à l'assimilation des français d'origine étrangère. »
De nombreuses voix s'étant élevées contre ses propos, Gérard Longuet a cru bon de publier un communiqué pour préciser qu'il souhaite que « le futur président de la Halde ne soit pas d'abord un militant politique, mais bien une personnalité exemplaire de mesure et de sérénité au regard des changements de la société française enregistrés depuis plusieurs générations déjà ».
Zineb Dryef et Pascal Riché
Photo : Gérard Longuet lors d'un débat sur l'identité nationale en novembre à Paris (Jacky Naegelen/Reuters)Longuet veut un "Français traditionnel" à la tête de la Halde | Rue89: "Longuet veut un « Français traditionnel » à la tête de la Halde"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire