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mercredi 21 octobre 2009

MPF : de l'UMP aux Identitaires, le grand écart idéologique | Rue89

Jacques Bompard en 1995. Philippe de Villiers en 2008 (Charles Platiau/Reuters).

S'exprimant à la mi-août dans le journal Minute, le maire MPF d'Orange, Jacques Bompard, s'est montré critique vis-à-vis de l'adhésion du parti villiériste au comité de liaison de la majorité présidentielle, où siégera désormais Philippe de Villiers. Une adhésion approuvée à l'unanimité par le bureau national du MPF le 7 juillet dernier et qui faisait suite à une sollicitation directe du président Sarkozy, comme le rappelle la formation villiériste.

Face à ce rapprochement, destiné à sortir le MPF de sa solitude après son échec aux élections européennes, Jacques Bompard a pris ses distances. L'ancien membre du bureau politique du Front national, sous les couleurs duquel il a gagné la mairie d'Orange en 1995 avant de rallier le MPF en 2005, craint « une vassalisation totale à l'UMP ».

Rappelant qu'il est pour lui « hors de question d'adhérer à l'UMP », il accepte cependant de « voir si le MPF peut avoir de l'influence sur la majorité » et se livre à une critique d'ailleurs réaliste du mouvement villiériste, qui est selon lui un « club » qui « ne dispose pas des moyens nécessaires pour passer le mur du silence médiatique ».

Grâce à Jacques Bompard précisément, le MPF risque bien de le briser, ce mur médiatique. Car, comme pour confirmer les critiques de la Gauche moderne ou du président de la Licra, Patrick Gaubert, contre le rapprochement MPF-UMP, le maire d'Orange s'apprête à accueillir, dans le théâtre municipal du Palais des Princes d'Orange, la Convention identitaire qui se tiendra les 17 et 18 octobre prochains.

Qu'est-ce que la Convention identitaire ? Le rassemblement annuel d'un mouvement d'extrême droite qu'incarne en France le Bloc identitaire. Pour avoir une idée de l'orientation idéologique du groupe, il suffit de se reporter à un texte publié par les Identitaires de la région de Perpignan, en hommage à l'écrivain Saint-Loup, condamné à mort par contumace en 1945 pour son engagement volontaire dans la Waffen SS. Les Identitaires catalans se lamentaient :

« Un anniversaire oublié, c'est celui de Saint-Loup. Il est vrai qu'en ces temps de détresse identitaire, l'écrivain disparu en décembre 1990 sent le soufre. On ne préconise pas impunément le respect de l'héritage racial ! »

Il fut un temps où, le FN ayant le vent en poupe, des élus de droite s'opposaient à le tenue dans leur ville d'une manifestation frontiste, le FN représentant alors pourtant plus de 15% des citoyens. En 2002 Bernard Bosson, ancien ministre UDF, avait refusé de voir l'université d'été du Front se tenir dans sa ville ; en 1997 le congrès de Strasbourg du FN avait réuni dans un même meeting de protestation, le président centriste du conseil régional d'Alsace, Adrien Zeller, le député européen radical Jean-Thomas Nordmann… et Nicolas Sarkozy.

Le maire MPF d'Orange n'a pas les mêmes réticences vis- à-vis des Identitaires, qui ne représentent pourtant pas 1% des électeurs. Ce qui pose la question de savoir si le mouvement villiériste peut en même temps lorgner vers l'UMP et vers un mouvement qui considère « l'identité ethnique » comme pierre angulaire de son idéologie.

Pour bien comprendre ce qu'est cette conception ethnique de l'identité, il n'est qu'à consulter la liste des partenaires et des intervenants de la convention. Tous partagent d'abord une vision apocalyptique de l'islam : l'Observatoire de l'islamisation, dont le fondateur interviendra à Orange, est en effet présenté par les Identitaires comme ayant « pour vocation d'éclairer les Français sur l'islam, qui, dans sa forme classique, est une idéologie politico-religieuse conquérante, incompatible avec la civilisation laïque et démocratique européenne ».

Cette idée que les musulmans sont inintégrables, sauf quand ils cessent d'être musulmans, est partagée par les partis politiques étrangers, non marginaux, dont les représentants interviendront à la convention, l'UDC suisse ; le Vlaams Belang flamand ; la Ligue du Nord italienne et la Plateforme pour la Catalogne. Encore sont-ils plus modérés qu'un des partenaires français de l'opération, le journal Le Choc du mois, dont un récent numéro contenait des articles comme « Tant que les Blancs n'agiront pas ensemble, ils seront dominés » (entretien avec le raciste américain Jared Taylor) et « Qui relèvera le flambeau de la blanchitude ? ».

Il y a donc bien un problème de ligne politique au MPF, qui n'est pas tout entier un parti de droite un peu plus conservateur que les autres.

Il y a le MPF incarné par la gestion somme toute très classique, et en tout cas démocratique, du département de Vendée, et le MPF qui applique le « pas d'ennemi à droite » en accueillant les Identitaires et surtout, leurs encombrants invités. Il y a le MPF partisan du « clash des civilisations » et de l'unité de l'Occident face à l'islam et celui qui profitait lors de ses universités d'été, des compétences du géopoliticien Aymeric Chauprade, depuis viré par Hervé Morin de son poste de professeur au Collège Interarmées de Défense, en raison de ses doutes sur la « thèse officielle » du 11 septembre.

Bref, une belle incohérence, qui démontre bien le problème de fond posé par l'entrée du MPF dans le Comité de liaison de la majorité. Pour garder l'électorat conservateur attaché aux valeurs traditionnelles, fallait-il plutôt virer Christine Boutin, irréprochable sur la question des relations avec l'ultra-droite, ou intégrer les hôteliers du week-end identitaire ?

Photo : Jacques Bompard en 1995. Philippe de Villiers en 2008 (Charles Platiau/Reuters).


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