SOS Racisme Partenaire de Quat'rues

jeudi 29 octobre 2009

Les réfugiés climatiques en quête de statut juridique - LeMonde.fr


Un conseil des ministres en tenue de plongée : samedi 17 octobre, le gouvernement des Maldives devait se réunir six mètres sous l'eau pour dénoncer le réchauffement. La montée de l'océan menace d'engloutir l'archipel. Ses 400 000 habitants seraient alors en quête d'une terre d'accueil... sans pouvoir revendiquer le droit d'asile ni le statut de réfugiés. Car "le cadre juridique actuel ne permet pas de prendre en compte les migrations provoquées par le changement climatique", résume Charles Ehrhart, responsable de cette question à l'ONG Care.

Réfugiés Le HCR recensait, fin 2008, 16 millions de réfugiés ou demandeurs d'asile, protégés par la convention de Genève de 1951. Selon celle-ci, un réfugié est "une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité", "persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques".

Déplacés Fin 2008, 26 millions de personnes subissaient un déplacement forcé à l'intérieur de leur propre pays en raison de conflits, de persécutions, de catastrophes naturelles... Les droits des déplacés internes et les modalités de l'aide qui leur est apportée sont définis par des "principes directeurs" adoptés par l'ONU en 1998, qui n'ont pas force de loi.

Climat Les catastrophes climatiques soudaines - hors sécheresse et dégradation lente de l'environnement - ont obligé 20 millions de personnes à migrer en 2008, selon l'ONU. D'ici cinquante ans, on comptera 200 millions de victimes. Leur situation n'est spécifiée par aucun texte international.

Les chiffres sont pourtant colossaux. Les catastrophes liées au climat ont provoqué la migration de 20 millions de personnes en 2008 selon l'ONU. D'ici à 2050, 200 millions de migrants pourraient être jetés sur les routes par les dérèglements de l'environnement.

Du Haut Comité des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), les agences mondiales ont pris conscience de ce vide juridique. Mais le dossier se heurte à la complexité du phénomène et à la crainte de migrations massives. "Des discussions sont en cours au sein de l'Inter-Agency Standing Committee, qui réunit les agences de l'ONU et des ONG", dit Anne-Marie Linde, au Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), responsable de la gestion des déplacés internes, pour qui "la principale faille concerne les victimes du climat qui traversent les frontières ".

"L'immense majorité de ces migrants restent à l'intérieur de leur propre pays et ne peuvent donc prétendre au statut de réfugié", précise Sybella Wilkes, porte-parole du HCR. Si l'organisation intervient parfois en urgence lors de catastrophes environnementales, elle réfute le terme de "réfugiés climatiques", craignant de lézarder le fragile édifice de la convention de Genève sur les réfugiés. "Faut-il inventer une définition juridique des déplacés climatiques ? La question est posée, estime la porte-parole. Mais la définition des réfugiés est très stricte et il n'est pas question de la modifier."

Quid des déplacés internes, alors ? Leur prise en charge est encadrée par des "principes directeurs" adoptés par l'ONU en 1998, mais non contraignants. "L'un des aspects importants de notre activité consiste à encourager les Etats à intégrer ces principes dans leur législation nationale", explique Mme Linde, à l'OCHA.

Mais là encore, le paramètre climatique brouille les cartes : au-delà des catastrophes soudaines, c'est une lente dégradation de l'environnement et des conditions de vie sur une large échelle que provoque le réchauffement. "L'un des gros problèmes est d'identifier si le déplacement est volontaire ou forcé, précise Mme Linde. Est-ce que les migrants partent de leur propre chef, à la recherche d'une vie meilleure, ou y sont-ils parce qu'ils ont perdu leurs moyens de subsistance ?"

Pour M. Ehrhart, "cela oblige à redéfinir les catégories, car, aujourd'hui, les deux cas de figure n'ouvrent pas du tout les mêmes droits". Un avis partagé par Koko Warner, responsable du département des migrants de l'environnement à l'Université des Nations unies, à Bonn. "Il faut une définition de ces déplacés, ne serait-ce que pour organiser l'aide : quels acteurs doivent intervenir, entre l'action humanitaire, les stratégies de prévention et d'adaptation, la gestion des risques ; qui coordonnera ces travaux, avec quel argent ?"

Derrière la revendication d'un statut pour les réfugiés climatiques, cette conviction : la responsabilité des pays riches dans le réchauffement leur donne l'obligation d'apporter aide et asile à ses victimes. Des pays comme les Maldives ou le Bangladesh demandent des compensations aux pays du Nord et exigent que la question des migrations forcées soit incluse dans les discussions pour parvenir à un accord à Copenhague.

C'est là que le bât blesse. "Beaucoup de pays entretiennent le flou juridique pour ne pas avoir à accueillir les populations déplacées", estime Philippe Chauzy, le porte-parole de l'OIM, qui a proposé une définition très ouverte des déplacés de l'environnement. "Au Nord comme au Sud, beaucoup d'Etats ne veulent pas voir la création de catégories de migrations qui les rendraient légales."

Les adversaires d'un tel statut ont un argument tout trouvé : la responsabilité du changement climatique peut difficilement être prouvée. Sans compter qu'une part des catastrophes n'a rien à voir avec le climat. Séisme en Indonésie, typhon aux Philippines, au Vietnam et au Laos, tsunami aux îles Samoa et Tonga : la série de cataclysmes qui s'est abattue sur l'Asie du Sud, fin septembre, a illustré la difficulté d'adopter une approche différenciée selon les cas de figure.

Pour M. Warner, "il faut chercher des solutions, pas des coupables. C'est la façon dont nous abordons ces questions qui déterminera si les pires prévisions se réalisent. Or l'aide des pays riches à l'adaptation des pays pauvres est le meilleur moyen d'éviter que des populations soient précipitées vers la migration et l'urgence humanitaire."

Grégoire Allix

Les réfugiés climatiques en quête de statut juridique - LeMonde.fr: "Les réfugiés climatiques en quête de statut juridique"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire