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mercredi 12 août 2009

Nuit d'observation à Bagnolet après la mort d'un jeune en moto - Société - Le Monde.fr


Bagnolet a connu sa première nuit d'attente après la mort de Yakou Sanogo. Lundi soir, dans cette ville de Seine-Saint-Denis, les rues avoisinant le lieu où le jeune homme a trouvé la mort après une course-poursuite avec la police, étaient plongées dans le noir. Quelques câbles électriques avaient été coupés et seuls les gyrophares et les lumières faibles des halls d'immeubles éclairaient un curieux théâtre d'ombres. Celles des jeunes, capuches relevées pour certains, ou simplement curieux de "venir voir". Celles des forces de police, postées au carrefour, visibles mais pas trop pressantes, malgré un dispositif étoffé. Quatre compagnies de CRS, une de sécurisation, ainsi que des fonctionnaires locaux ont été mobilisés, soit quelques 500 personnes. Des dizaines de badauds, parents, commerçants, étaient aux fenêtres ou sur les pas des portes. La mairie avait mis en place un dispositif de veille discret et a laissé tous les éclairages des écoles et gymnases allumés. Pour dissuader toute dégradation.

Jusqu'à 22 h 15, le Plateau, quartier où habite la famille de la victime, est resté calme. Le maire (PCF) Marc Everbecq avait lancé un appel au calme sur RTL. Les autorités avaient fait de même. Une demi-heure plus tard, les premiers incidents sont signalés. Ils demeureront minimes : des poubelles incendiées sur la chaussée, huit voitures et un car marocain mis à feu, des jets de pétards. A 23 heures, le quartier était bouclé et durant une heure, les jeunes et les "troupes mobiles" ont joué au chat et à la souris, sans incident grave.

Quelques heures auparavant, le procureur adjoint de Bobigny, Philibert Demory, avait assuré que "toute la lumière serait faite" et qu'il était décidé "à aller le plus vite possible pour éclairer cette affaire dans toutes ses composantes". Il a ainsi annoncé avoir confié une mission d'expertise à l'Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale qui devra déterminer "l'état exact des véhicules et les circonstances de l'accident". La moto, la voiture de police comme celle banalisée de la BAC, présentes lors de l'accident, sont sous scellés pour expertise. L'Inspection générale des services continue, elle, son enquête après avoir entendu les policiers et deux témoins directs. Les premiers éléments semblent indiquer que la mort du jeune homme serait accidentelle, sans contact avec les voitures de police le poursuivant.

Selon les éléments réunis par le parquet, c'est à 19 h 55, dimanche, que la police est alertée par radio qu'une moto roule à grande vitesse dans les rues de Bagnolet. Le conducteur est sommé verbalement à deux reprises de s'arrêter par deux véhicules de patrouille. Il s'enfuit mais une demi-heure plus tard se retrouve nez à nez avec une voiture banalisée de la BAC et est poursuivi par un véhicule marqué police. Le jeune homme dérape, perd le contrôle de sa moto et heurte violemment des barrières métalliques. Il meurt malgré l'intervention des pompiers à 21 h 15, d'"un traumatisme thoracique profond au contact du poteau de la rambarde". "Il n'y a pas de trace de contact apparues sur le véhicule suiveur", précise le parquet. La mort de Yakou Sanogo serait donc accidentelle.

La version a beau être répétée, les jeunes de la cité Fleury n'y croient pas. Ils n'ont qu'une obsession : "c'est de la faute des flics". La mort de Yakou, sur sa moto 125 cm3 cross, a été provoquée par un "serrage de flics". Leur copain était fan de moto, savait, lors de rodéos réguliers, rivaliser d'agilité et de vitesse. Ce soir-là, il allait "juste un peu vite", concèdent certains. "Ils savent qu'il était en tort mais, pour eux, les flics n'avaient pas à lui courir après alors qu'il n'avait rien fait", explique Laurent Jamet, premier adjoint au maire. A leurs yeux, Yakou, c'est un mort de trop. Début juin, deux jeunes s'étaient tués lors d'un accident de voiture dans le quartier. "A l'enterrement, il y avait 1 500 personnes, on n'avait jamais vu ça", se souvient un élu. Comme une manifestation silencieuse. "C'est un petite ville de banlieue sans trop d'histoire mais où les jeunes ont l'impression d'être relégués, incompris, harcelés par une police qui n'est là que pour la répression. Même la mairie est assimilée à ce monde d'adultes qui les rejette", raconte M. Everbecq qui explique que pourtant, depuis deux ans, deux mini-stades, une antenne sociale, un gymnase, un jardin public et une voirie toute neuve ont été réalisés pour désenclaver le quartier. "Ca ne suffit pas", souffle-t-il.

Lundi, Brice Hortefeux a annoncé la tenue, le 31 août, d'une table ronde avec une vingtaine d'associations sur les rapports entre la police et les jeunes. Pilotée par le sociologue Olivier Galland, elle devrait réunir des associations à portée nationale comme SOS Racisme, Ni putes ni soumises, la JOC et des associations de quartier "représentatives" pour proposer des moyens "rompre l'incompréhension ente jeunes et forces de police et infléchir les politiques par des actions concrètes", explique le cabinet de Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville coorganisatrice de la rencontre.

Sylvia Zappi


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