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lundi 17 mai 2010

Zemmour, la position du réactionnaire

Par Lilian Alemagna photo Édouard Caupeil. Myop

Le polémiste Eric Zemmour.

Huitième cigarette écrasée, Thibaud, 21 ans, s’enflamme : «Qu’on arrête de nous faire chier ! On ne peut plus rien dire !» A bas le «politiquement correct», le «prêt-à-penser». «Aujourd’hui, ce qui est subversif, c’est d’être "zemmourien" !» ajoute fièrement Gonzague, 23 ans. Zemmourien ? Comprendre adepte des positions défendues à tour de pages, d’ondes et d’émissions télé par Eric Zemmour : antiféminisme, assimilationnisme, souverainisme, antilibéralisme, critique radicale de l’islam, climatosceptiscime…

Thibaud, président des Jeunes pour la France de Philippe de Villiers, et Gonzague, étudiant et candidat sur la Liste chrétienne aux régionales en Ile-de-France, se disent «anars de droite». Avec humour et provocation, ils ont mené une partie des manifestations de soutien à Eric Zemmour, lorsque le journaliste risquait de se faire licencier du Figaro. En cause, cette phrase prononcée début mars sur Canal + chez Thierry Ardisson : «Les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est un fait.» Résultat : deux plaintes pour «diffamation raciale» déposées par la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et SOS Racisme. «Eric Zemmour justifie pour des raisons raciales le contrôle au faciès», défend Me Sabrina Goldman, avocate de la Licra.

«Barbares». Groupes Facebook, pétitions, manifestations devant le Figaro aux cris de «Faites Zemmour pas la guerre», harcèlement de la boîte mail d’Etienne Mougeotte, le patron du journal… La direction du quotidien fait marche arrière. Les plaintes restent. «Notre pétition a reçu plus de 20 000 signatures en quarante-huit heures», se félicite Olivier Vial, président du syndicat étudiant de droite UNI. Ces «soutiens populaires […] sont très variés, assure Eric Zemmour : hommes, femmes, de droite comme de gauche, jeunes et retraités».

Les plus actifs, dans une croisade contre «l’antiracisme», se retrouvent dans les positions défendues par Eric Zemmour dans son dernier livre, Mélancolie française. «Le politiquement correct empêche toute liberté d’expression, défend Pierre Cassen, responsable du journal en ligne Riposte laïque, de tendance gauche républicaine et ultralaïque. On ne peut plus critiquer l’offensive islamiste sans se faire traiter de raciste !»

Sur le Net, Eric Zemmour est devenu la nouvelle coqueluche des sites de droite radicale et nationale, proches des positions du Front national, et de gauche à la laïcité forcenée, tous souverainistes, avec deux constantes : un anti-islam radical et la défense d’une identité française prétendue menacée par l’immigration. Minute, l’hebdomadaire d’extrême droite, l’a récemment mis en une, signée, tel un nouveau Zorro, «d’un Z comme Zemmour».

Dans son histoire de France racontée dans Mélancolie française, Eric Zemmour est hanté par ce satané «mal-être français» que le journaliste fait remonter à la défaite de Napoléon Ier à Waterloo en 1815. Ce «déclin» français, explique-t-il, est renforcé par notre une «impuissance» à assimiler les nouveaux venus. Comme Rome en son temps, la France serait menacée par de nouveaux «barbares». Au nom de «la religion des droits de l’homme», nos «élites» seraient aujourd’hui des «prédicateurs» qui «bénissent des millions de "barbares" étrangers […] sans se préoccuper si ceux-ci […] ont envie d’adopter les mœurs de leur nouveau pays ; et se moquent éperdument de l’avis des populations autochtones qui subissent stoïquement ces vagues infinies».

Alarmiste ? «Pessimiste», assume Zemmour. Exagéré ? «Je fais des analyses froides, coupe-t-il. Comme nous avons renoncé à l’assimilation, les modes de vie et les cultures sont aujourd’hui trop différents.» Aucune raison, ni économique ni sociale, n’est invoquée. Pour lui, le problème est seulement «culturel». «On négocie de culture à culture. On n’impose plus.» Ses exemples : la viande halal dans les cantines, les jours fériés demandés, la polygamie… Le «culte du métissage» et le communautarisme sont vilipendés. «Le problème chez Eric Zemmour est qu’il y a toujours un petit peu de vrai et beaucoup de faux dans ce qu’il dit. C’est comme ça qu’il séduit, critique Patrick Weil, chercheur au CNRS et spécialiste des questions d’immigration. Le métissage permet justement l’assimilation ! Si les personnes ne peuvent ni rester dans des ghettos ni se métisser, que faut-il qu’ils fassent ? Qu’ils se tuent ? Ou qu’ils s’en aillent… C’est ça qu’il leur propose.» Zemmour hausse les épaules et réfute. «Je suis contre l’idéologie du métissage !»

Empreint d’une nostalgie IIIe République, le journalisteinsiste: «La culture française, c’est pas Mohammed. C’est François, c’est Christian.» «Le problème d’Eric Zemmour est qu’il extrapole un sentiment personnel en théorie politique, critique Michel Taubmann, ex-journaliste à Arte spécialisé dans l’islamisme et rédacteur en chef de la revue le Meilleur des mondes. On peut tout à fait être un bon Français et s’appeler Mohammed !» «Le prénom est symbolique, défend Zemmour. Le nom de famille rattache déjà à l’identité d’origine du père. Si c’est aussi le cas du prénom, il n’y a plus d’identité française !» Une position semblable à celle affirmée par Jean-Marie Le Pen lors d’un discours à Toulon, durant la campagne des régionales : «Savez-vous que le prénom du petit-fils de Sarkozy est Solal, ce qui ne relève pas d’une franche assimilation de sa famille à la société française, et que Mohammed est le prénom le plus donné aux nouveau-nés à Marseille ?»

Burqa. Zemmour a une vision rêvée de «l’identité française». Figée. Les échanges culturels issus de la mondialisation ne pourraient pas, selon lui, enrichir une culture française dans le respect des valeurs et des lois de la République. Tout ne serait que dilution de notre «identité» : «Il y a une hiérarchie des cultures. Il faut choisir.» Surtout si, dans le bagage de l’immigré, il y a l’islam. «L’islam est une vision globale de la société. Ce n’est pas une simple foi. Le Coran est un code civil.» Pour lui, tant que les imams français n’auront pas dit «on est en France, pas de polygamie, pas de burqa, pas de mariages arrangés», la «culture française» et la «culture musulmane» seront «en concurrence». «On voit une certaine droite et des gens issus de la gauche combattre l’islamisme avec un intégrisme laïc, au nom de l’identité nationale, observe Michel Taubmann. Il faut, au contraire, combattre l’islamisme au nom de valeurs universalistes, des droits de l’homme, de l’égalité homme-femme !»

Tout ce qu’Eric Zemmour défend, il l’a énuméré dans ses récentes chroniques pour résumer le positionnement de Marine Le Pen au FN, débarrassée des dérapages de son père. Il en vient même à évoquer une alliance UMP-FN «inéluctable» si la droite renonce à défendre ces positions. «Dédiabolisé», le FN version Marine Le Pen aurait-il le relais médiatique qu’il lui manquait ? «Je m’en fous ! répond Zemmour. J’ai commencé à écrire avant qu’elle n’entre en politique. Si Marine Le Pen pense comme moi je suis ravi ! Vous pourriez me dire que je défends les mêmes idées que Dupont-Aignan [député souverainiste de l’Essonne, ndlr] ou que je suis d’accord à 80% avec Jean-Luc Mélenchon [président du Parti de gauche]. Mais vous ne me le dîtes pas, car vous êtes obnubilés par le Front national…»

Mais que ce soit sur le fond ou dans le vocabulaire employé (pays «envahi», «vagues infinies» d’immigrants, «Français de souche»…), les idées défendues par Zemmour confluent avec celle d’un FN à la «Marine». Y compris dans leurs exagérations : «Aujourd’hui, dans les banlieues françaises, nombre de familles musulmanes interdisent à leurs enfants de parler à la maison le français, langue du diable.» Vraiment ? «C’est une réalité», répond-t-il froidement. Les «élites» françaises seraient dans un «déni de réalité permanent».

«Nous sommes devant un personnage d’extrême droite qui ne se révèle pas comme tel mais qui vient donner une légitimité à une pensée extrémiste et haineuse», attaque Dominique Sopo, président de SOS Racisme. «Il y en a marre de ce soupçon de racisme qui pèse dès qu’on aborde ces sujets !» rétorque Elisabeth Lévy, directrice de la publication du magazine Causeur, qui prend la défense de Zemmour dans son numéro d’avril. «Il faut faire attention. L’antiracisme est un principe fondamental, il ne faut pas que cela devienne une idéologie, prévient le philosophe Alain Finkielkraut, attaqué en 2005 pour des propos sur l’équipe de France de foot "black-black-black". Il ne faut pas déserter la question de l’immigré pour l’abandonner à l’extrême droite.» Zemmour récupéré par l’extrême droite ? Pour l’instant, il n’en a cure : «Je sais qui m’a soutenu. Ce sont les gens, tout simplement.»


Zemmour, la position du réactionnaire - Libération

2 commentaires:

  1. Je tombe par hasard sur votre article, qui fait il me semble une confusion adroite entre Eric Zemmour et certains de ses supporters, qui sont effectivement d'extrême droite.

    Eric Zemmour déteste l'idéologie de l'anti-racisme. Bien entendu, les racistes authentiques applaudissent. Cela n'en fait pas pour autant un des leurs.

    Moi aussi, je juge que l'anti-racisme est contreproductif et je me retrouve pas mal dans ce que dit Eric Zemmour.

    Lorsque ce dernier explique qu'il n'aime pas cette idéologie du métissage, je pense sincèrement qu'il ne s'exprime en rien contre le métissage, mais contre son idéologie: au plan symbolique tout d'abord, avec une perte certaine de l'originalité de la culture française, mais également plus concrètement, avec cette horde de bien-pensants se faisant les chantres du métissage mais qui hurleraient à la mort si jamais leurs enfants ramenaient une compagne/compagnon d'une autre couleur que la leurs. C'est il me semble de cela dont Eric Zemmour parle, et non d'une critique du métissage en tant que tel, sur lequel il n'y a pour moi pas grand chose à dire sinon le constater.

    Pour ma part, même si effectivement, je trouve certains des éléments de vocabulaires d'Eric Zemmour mal choisis, je crois qu'il soulève malgré tout un tabou dont il faudra bien un jour ou l'autre parler: celui de l'intégration/assimilation de la nombreuse population immigrée, qui, contrairement aux précédentes d'origines majoritairement européennes, se "voit".

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  2. L'antiracisme est un tel abrutissement qu'il a permis de dire les pires absurdités sans que personne ne réagisse : le métissage est la solution qui permet l'assimilation nous dit Patrick Weil, et bien forçons blancs noirs et arabes à s'accoupler, cela règlera la question, imaginez la scène : " M. Durand et Melle Benlarbi, chambre 5, vous avez 10 minutes."
    Mais non, vous n'avez rien compris me rétorquerons les plus év(w)eillés, il s'agit du métissage culturel bien entendu. Mais les éventuels apports culturels extérieurs sont-ils compatibles avec nos principes et notre culture ? Ne sont-il pas un recul sur 200 ans de progrès dû à la Révolution ? On assiste à de bien étranges mélanges des genres et l'on voit un ancien parti trotskiste nous affirmer que les femmes voilées sont les nouvelles féministes et que l'islamophobie est une honte. Dans le pays de la laïcité, que la gauche nous apportait il y a un peu plus d'un siècle, c'est bien Voltaire qu'on embastille.

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