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samedi 15 mai 2010

Discrimination : entre ressenti et réalité

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Rencontre avec Devah Pager, Département de Sociologie, Université Princeton.

Spécialiste des questions de discrimination raciale et auteur de l’étude « Realities of race and criminal record in the NYC job market. »

Les enquêtes d’opinion réalisées récemment aux Etats-unis sur la perception des phénomènes discriminatoires arrivent toutes à une même conclusion : une partie croissante des Américains est désormais sceptique quant à la persistance de pratiques discriminatoires à l’œuvre dans leur pays.

Cette évolution s’explique en partie par deux facteurs. D’une part, par la mobilisation, dans les faits et d’avantage encore dans les discours, des pouvoirs publics en la matière. En effet, depuis les années 60, les Etats-Unis, sous la pression des mobilisations citoyennes, se sont dotés d’un cadre normatif relativement ambitieux et ont mis en place des politiques publiques volontaristes (EEOC[1], équivalent de la HALDE créée en 2006 existe depuis 1964) qui ont pu faire penser que le problème était réglé. D’autre part, la diffusion de la connaissance sur l’interdit discriminatoire [2] , notamment par le biais de procès retentissants, a conduit à une modification des pratiques devenues moins ouvertement discriminatoires et par conséquent plus insidieuses.

Face à cette évolution du ressenti, Devah Pager, Sociologue à l’Université Princeton a décidé de faire le point sur l’état réel des discriminations en mettant en place un testing massif, à visée scientifique, sur le marché de l’emploi à New York.

Afin de permettre une analyse affinée de la situation, Devah Pager a créé une méthodologie innovante permettant d’isoler le seul facteur de l’origine dans les pratiques discriminatoires. Les testeurs ont été recrutés sur des critères extrêmement précis : des hommes entre 22 et 26 ans, entre 1m75 et 1m80, au physique avenant, disposant d’un niveau d’étude équivalent et ayant des qualités de sociabilité. Tous les testeurs, répartis en trois catégories (Blanc, Hispanique, Noir), se sont fait attribuer un CV identique en terme de niveau et de qualité de formation, d’expériences professionnelles, de lieu de résidence. Par ailleurs, une variable relative au casier judiciaire a été intégrée. En effet, cet élément est important sachant qu’au Etats-Unis près d’un homme afro-américain sur trois est emprisonné dans sa vie, il était important de déterminer si cette variable rentrait en compte dans les refus exprimés par les employeurs.

Pendant plus de 10 mois ce sont près 1470 offres d’emplois qui ont été testées. Les résultats sont sans appel. Quand 23% des testeurs « blancs » se voit proposer d’être embauché, seuls 19% des testeurs « hispaniques » et 13% des testeurs « noirs » ont le même traitement. En intégrant la variable « casier judiciaire » pour les testeurs « blancs » les résultats sont encore plus probants : les testeurs « noirs » sans casiers restent moins bien traités.

De plus, la nature des emplois proposés, indépendamment de l’emploi auquel les testeurs ont postulé, n’est pas la même en fonction de l’apparence du testeur, les uns se retrouvant renvoyés vers des emplois « cachés » quand les autres se voient proposer d’être en contact avec les clients.

Les travaux de grande qualité de Devah Pager démontrent l’ampleur du travail qui reste à accomplir dans ce contexte nouveau de scepticisme

G.A


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