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dimanche 7 mars 2010

Foot : « Les racistes doivent être interdits de stade à vie »

Stéphane est un fidèle riverain et, depuis dix ans, l'un des responsables d'une association de supporters de la tribune Auteuil du Paris Saint-Germain (PSG). A quelques heures du match Lens-PSG, excédé par les dérapages racistes des hooligans parisiens, il s'est adressé à Rue89 pour donner son point de vue sur la dérive du club de football, l'impasse de la politique de gestion des supporters et le drame (un supporter grièvement blessé) qui a eu lieu la semaine dernière lors du match PSG-OM. Précision : Stéphane s'exprime sous pseudonyme, par crainte de représailles.

Que s'est-il passé la semaine dernière, lors du match PSG-OM ?

J'étais pile face à l'endroit où ça s'est produit. Après avoir passé quelques heures dans un bar, où la police les avait repérés, environ 200 « indépendants » de la tribune Boulogne sont arrivés côté tribune d'Auteuil. En fait, Yann L. [battu par des supporters, il est toujours dans le coma, ndlr] n'était pas là par hasard. Il était là pour se battre contre les gens de la tribune Auteuil. Il fait partie de la « Casual firm », un noyau de hooligans, considérés comme la crème de la crème des personnes violentes de la tribune Boulogne.

Il y a donc eu un effet de surprise et puis les gens du virage Auteuil ont commencé à se défendre et ils ont fait reculer ces 200 supporters de Boulogne. C'est à ce moment-là qu'il a été lynché.

Ce qui est hallucinant, c'est que la police les repère dès 16 heures dans ce bar, puis les laisse approcher du virage Auteuil et se battre sous l'œil des CRS. Comment ont-ils réussi à passer ? Mystère. J'ai posé la question au préfet de police cette semaine, il n'a pas su me répondre.

C'est la première fois que ça arrive ?

Disons que c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Mais cela fait vingt ans que nous subissons des agressions racistes et personne ne fait rien : ni la police, ni le PSG, ni les politiques… et on en a marre.

Quelles formes prennent ces agressions ?

Au Parc des Princes, cela ne se passe plus trop dans les tribunes, à cause de la vidéosurveillance. Mais chaque saison, au cours des déplacements à l'extérieur, il y a des insultes racistes, des saluts nazis assortis du « sieg heil », des chants… « Bleu Blanc Rouge, la France aux Français », « Auteuil bougnouls ». A Lille dernièrement, c'était « One, two, three… rentre dans ton pays ». Et puis, le grand classique : les cris de singe.

Ils sont une centaine de la tribune Boulogne, avec un renouvellement perpétuel. Depuis trente ans, les racistes s'y retrouvent toujours, ça n'a jamais cessé. Ce racisme est à l'origine de tous les problèmes d'aujourd'hui.

Pourquoi dites-vous que personne ne fait rien ?

Quand les pouvoirs publics, après les heurts du PSG-Caen en 1993 [des supporters du KOP de Boulogne tabassent un CRS, ndlr], ont dit « ça suffit », le PSG a fait du social avec la tribune Boulogne en embauchant des supporters au sein du club, en offrant des abonnements… Ils ont acheté la paix sociale.

Mais le club a fait une grave erreur, car cela a donné des privilèges aux durs de Boulogne. Dès qu'ils veulent quelque chose, ils savent l'obtenir en allant voir les bonnes personnes. Aujourd'hui, on paie cette politique qui évite de se confronter aux éléments les plus radicaux.

D'un autre côté, je comprends les gens du PSG qui ont une telle pression (y compris par des menaces physiques) qu'ils préfèrent lâcher sur certaines choses. Nous, supporters normaux, nous nous sentons démunis et pas aidés par le club.

Quid des interdictions de stade et du travail de la police ?

Il faut savoir qu'il y a deux types d'interdiction de stade :

  • Une administrative, décidée par le préfet de police, sur la base d'un rapport de la cellule des Renseignements généraux qui suit cette question ;
  • Une judiciaire, mais là il faut des preuves et ce n'est pas évident.

La cellule des RG discute avec tout le monde, y compris les plus durs. Elle connaît parfaitement leur racisme. Parfois, je me demande si ces violences n'arrangent pas la police, pour justifier aux yeux des politiques la présence d'un gros dispositif de maintien de l'ordre…

Après l'incident de la semaine dernière, nous avons eu une réunion avec le préfet de police. Il nous a dit : « ce n'est plus possible » et il a annoncé quelques mesures :

  1. L'interdiction des déplacements à l'extérieur et ça on est d'accord ;
  2. La fermeture des locaux des associations au sein du stade, là où nous stockons les banderoles et la peinture. Mais ce n'est pas ça qui va régler le problème, notamment parce que les groupes de Boulogne n'ont pas de locaux au stade.

Par ailleurs, comme ils estiment qu'un de leurs « frères » est tombé sous les coups de « l'ennemi », les durs de Boulogne ont juré de se venger. Il y aura des représailles, vous pouvez en être sûr.

Quelles solutions préconisez-vous ?

L'interdiction de stade à vie doit être clairement envisagée. Si on prend le cas de Yann L., supporter déjà connu, on peut s'interroger. Pour des gens violents et racistes, et si c'est justifié, cela me paraît normal.

Mais la solution, c'est aussi de faire le ménage au sein du club. Il faut mettre des gens qui ne sont pas influençables, pas des anciens de Boulogne. Il faut aussi une vraie volonté politique et une action forte des services de police.

Une solution efficace serait de fermer l'accès à la tribune Boulogne (plus de ventes de places, ni de possibilités de s'abonner) et de remplacer les abonnés par des places offertes au club de foot et aux lycées d'Ile-de-France à des jeunes de moins de 18 ans : 6 000 places offertes à chaque match du club. Ce serait un gros manque à gagner financier, mais en termes d'image, un gain inestimable pour le club.

Vous avez réclamé de témoigner sous anonymat par crainte de représailles. C'est assez inquiétant…

Personnellement, je n'ai jamais été menacé car je suis discret. Mais à de nombreuses reprises, des responsables d'associations de supporters ont été menacés chez eux directement, voire agressés. Ce sont des méthodes de voyous. Je ne veux pas baisser les bras face à cette violence et ce racisme, mais j'ai aussi une vie à côté.

Pourquoi n'entend-t-on pas les joueurs ?

Ils sont très protégés par le club et ils sont sur une autre planète. S'ils prennent position, ils sont immédiatement l'objet de pression. Il y a quelques années, après un match houleux à Nantes, la Licra a voulu associer trois joueurs du club pour faire une conférence de presse sur le racisme. Et bien, il y a eu des représailles du club, sous la pression des durs de Boulogne.

Les joueurs n'ont pas de liberté d'expression sur ces questions citoyennes.


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